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[verso-hebdo]
17-04-2025
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La chronique de Pierre Corcos |
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Un photographe en immersion |
Marc Riboud (1923-2016) n'appartient pas à cette catégorie de photoreporters glissant sur la planète, les gens et oublieux de ce qu'ils voient, saisissent. Juste parce qu'ils pensent déjà au prochain reportage. Lui s'imprègne des lieux : il s'immerge, il passe du temps et il revient... Sa relation avec l'Orient, par exemple, loin d'être un flirt exotique, témoigne d'un amour - nom usuel de la bienveillante curiosité - qui s'enrichit avec le temps. Il a 32 ans lorsqu'il va en Inde où il retournera ; et l'année d'après, il se rend en Chine avec laquelle il noue une relation privilégiée. Quand survient la guerre du Vietnam, à ses risques et périls il passe un long temps là-bas... Et précisément, à l'occasion des 50 ans de la fin de cette guerre épouvantable, l'association « Les amis de Marc Riboud » et le musée Guimet se sont associés pour nous présenter son travail photographique entre 1966 et 1976 (jusqu'au 12 mai au musée Guimet). Mais, avant de revenir sur cette exposition très dense, suivons encore un peu la ligne asiatique de Marc Riboud. C'est par exemple la guerre au Bangladesh en 1971, différentes immersions en Chine qui nous vaudront cet ouvrage remarquable, une somme : Quarante ans de photographie en Chine (1996). Puis, fasciné par le Huang Shan, cette montagne qui inspira tant les peintres chinois, Marc Riboud se mit à la couleur et à ses nuances vaporeuses pour nous donner à voir des sortes de photographies estampes (exposition au Grand Palais en 2004). N'oublions pas enfin ce très beau livre de photographies sur Istanbul publié en 2000.
Ce lien privilégié avec l'Asie se perçoit dans l'exposition Marc Riboud. Photographies du Vietnam 1966-1976. Il se marque notamment par une façon unique de tendrement saisir l'ordinaire, même d'une situation extraordinaire (la guerre). L'ordinaire qu'un autre photographe, plus extérieur, ne placerait pas dans son objectif. Mais on peut également y pressentir la volonté du photographe français de montrer aux Américains le vrai visage (et non l'apparence trompeuse et stigmatisante) de ce peuple qu'ils anéantissent impitoyablement. Du moins que leur gouvernement de l'époque, sans l'assentiment d'une bonne partie de la jeunesse, avait décidé par tous les moyens de vaincre... Entre 1966 et 1976, c'est plus d'une dizaine de fois que Marc Riboud se rend au Vietnam ! Avec des séjours à Hanoï, Saïgon, dans l'ancienne cité impériale de Hué, détruite (« Guernica du Vietnam » comme il la surnomme), dans le pays profond, les villages, les rizières. Un photographe en immersion pour de longs reportages ayant vertu de témoignage sincère et engagé... Il ne photographie pas longtemps la guerre du côté yankee, sur le gigantesque porte-avions nucléaire «USS-Enterprise». Cette machinerie écrasante ne l'inspire pas. En revanche, photographe discret et refusant un sensationnel alors de mise, il aime accompagner ce peuple vietnamien stoïque, vaillant et ingénieux qu'il admire. Il photographie et il écrit (journal « Le Monde »). Dans cette guerre dissymétrique où le rudimentaire se défend contre l'high-tech, et où l'engagement collectif (même les femmes ont pris les armes) répond à une lourde armée américaine en partie démotivée, Marc Riboud a choisi son camp... Ce qui nous vaut ici des photographies en noir et blanc où certes les influences de Robert Capa (sens de l'instant significatif), de George Rodger (immense photographe de guerre) et surtout d'Henri Cartier-Bresson (génie de la composition, en formes et contrastes) se font sentir, mais où un regard compassionnel et simple restera sa marque personnelle. Voici de tout petits enfants revêtus d'énormes gilets de protection en paille, ou bien un dimanche après- midi familial et serein près d'un lac, ou encore de charmants amoureux à côté d'abris anti-bombes (des trous profonds dans le sol avec un gros couvercle), parce qu'il faut bien continuer à vivre avec la guerre... Et en dépit des affreuses pertes : ces veuves désespérées mais dignes dans les temples (une évocation discrète de tableaux religieux propres à notre tradition occidentale), ces amas de décombres où l'on se déchire les mains à trouver des survivants, ces destructions apocalyptiques par des bombardements de plus en plus massifs... Mais des milliers de jeunes Américains ne veulent plus de cette guerre ! Dès 1967, Marc Riboud avait réalisé une photographie qui a toujours valeur d'icône - tout comme celle de Gilles Caron, un an plus tard, confrontant un Cohn-Bendit hilare et la silhouette noire et massive d'un CRS de dos (Verso Hebdo du 28-11-2024) -, soit une toute jeune fille tendant une fleur aux soldats casqués lui faisant face avec leur baïonnette. Tout est dit... Même si, bien entendu, la contextualisation historique reste absolument nécessaire pour saisir le sens de ces photographies iconiques. Comme celle (1968) du président Hô Chi Minh conversant avec Pham Van Dông : on dirait deux sages chinois devisant, bien loin de la guerre ! L'image fait la couverture de magazines dans le monde entier : la force tranquille est invincible... Mais quand, huit ans plus tard, Marc Riboud, fidèle, retourne au Vietnam unifié, libéré, il voit des camps de rééducation communistes, des milliers de familles déplacées vers les « nouvelles zones économiques », et la fuite panique des « boat people ». Amère ironie !
De cela aussi, le photographe en immersion véridique a dû témoigner.
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Verso n°136
L'artiste du mois : Marko Velk
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