ID : 100
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : André-Pierre Arnal : entre le même et l'autre
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 07/10/2013



André-Pierre Arnal : entre le même et l'autre
par Gérard-Georges Lemaire

Quand je jette un regard circulaire dans l’atelier d’André-Pierre Arnal, dont les larges fenêtres donnent sur une petite place plantée d’arbres et ornée d’un kiosque à journaux à deux pas du Centre Pompidou, je suis toujours aussi surpris et séduit. C’est à la fois un salon qui a un certain aspect surréaliste et un lieu de travail, avec des toiles entassées contre les murs, des feuilles de papier d’Arches un peu partout, sur les meubles, où se trouvent aussi des catalogues, des livres, des instruments de toutes sortes, des revues englouties dans le désordre sans doute très bien arrangé malgré l’équilibre précaire de ces empilements, des tasses à café sur le meuble bas entouré de fauteuils et d’un canapé fatigué. J’ai aussitôt le sentiment de me retrouver bien loin des choses de la vie commune. Cette haute pièce est à la fois un décor, forgé au cours des années, un lieu de vie et un atelier. S’y fondent les impératifs de la création et les menus plaisirs d’un certain art de vivre (sans affectation, sans mise en scène, sans le moindre goût de l’insolite ou du bizarre).

Je suis convaincu que cette impression qui me saisit chaque fois que j’y pénètre n’est pas si anecdotique qu’il y paraîtrait. Ce qui peut être vu comme un désordre pour l’observateur à première vue est en réalité une métaphore. Elle représente l’essence et l’esprit de ce que l’artiste recherche, en somme, son esthétique au sens large, mais plus encore le sens profond de sa démarche.

La première que j’ai rendu visite à André-Pierre Arnal dans son refuge parisien, le titre d’un livre de Gilles Deleuze m’est venu immédiatement en tête : Différence et répétition. Je ne veux pas dire que son œuvre ou que le génie de son lieu ait quelque chose à voir avec cet aride ouvrage et précieux de philosophie qui affait les délices de mes lointaines études. Mais ce titre dit bien ce que j’ai sous les yeux : des compositions qui ont toutes des points communs et qui pourtant sont chacune parfaitement autonome. Il faut dire ici que l’artiste a choisi de mener sa quête artistique dans un périmètre théorique assez serré : ses compositions sont toutes abstraites et toutes obtenues par le jeu de la volonté et du hasard, dans une sorte de paradoxe extrême, puisque aucune règle formelle ne se présente d’emblée. Peu à peu, on en vient à corriger ce premier sentiment.

 

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