Andrée Philippot-Mathieu
par Bernard Point
Actuellement la démarche artistique de ANDREE PHILIPPOT-MATHIEU qui "aime tracer des ponts entre les différentes techniques" me perd magiquement dans les nuits des "manipulations numériques" de son parcours photographique. L'artiste parlant remarquablement bien des "traitements infographiques" de ses photos, je m'offre égoïstement le plaisir de témoigner de ce qui m'interpelle visuellement.
En effet, au cœur de ces nocturnes espaces envoûtants, je chemine délicatement au long de tracés lumineux multipliés. Chaque image me place en contemplation devant un paysage urbain en introduisant ma minimalité dans l'immensité d'un décor qui ne témoigne de l'humain que par ses constructions.
Dans Tradition et modernité, de fines lignes suivent géométriquement l'architecture contemporaine des villes, tout en la confrontant à celle de sa traditionnelle histoire. Souvent l'historique placé au premier plan illumine le baroque de ses formes, devant l'effacement nocturne du modernisme. Quelquefois pourtant il dresse, par le dessin impérativement répétitif de son bâti, la banalisation d'un monde qui interroge subtilement mon questionnement.
C'est alors que je reviens devant deux œuvres de grand format (280X260) et en impression sur bâches, qui sont placées monumentalement en haut de la façade du centre culturel de Villeneuve-la Garenne, joli petit hôtel particulier de la fin du XIXème siècle. Ces faux carrés me font découvrir la modernité de ces CITYSCAPES dans Yokohama et Hong Kong. Ces deux images suspendues affirment la verticalité triomphante de constructions nouvelles, où le dessin éclairé des étages, par la répétition de son tracé, me contraint à accompagner une réussite monumentale qui s'oppose ainsi à l'historicité charmante et désuète du support.
Cette constatation ne me prive pas de découvrir aux pieds de ces gratte-ciels, une ville classique. Elle est représentée par le croisement urbain de son implantation en laissant au premier plan, le verdoyant labyrinthe d'une nature devenue square citadin. Toujours les CITYSCAPES crées par l'artiste, sont des images contradictoires qui, symboliquement, définissent la complexité de notre monde.
Dans Mutations, je m'offre souvent le plaisir de me perdre au milieu d'un fouillis de tracés qui, en multipliant leurs rencontres désordonnées, peuvent m'enfoncer au sein de brousses végétales. Ainsi, ces villes en construction partielle, semblent participer à une dégradation de la nature qui, quelquefois, se confond avec les transmutations complexes de ces cités. Ces vivantes herbes folles éclairent mes interrogations tout en brouillant paradoxalement de luminosité ma confuse plongée dans ce monde. Quelques taches colorées affirment une fertilité sauvage qui peut se perdre dans des déchetteries confuses. De temps en temps, au dessus de ces décharges graphiques, je me rattache à une rectiligne grue, isolée dans la noirceur de l'espace qui, positivement ou négativement, symbolise le voulu impératif d'une construction. Grâce à ses manipulations numériques, l'artiste me fait participer à cette interrogation permanente que nous avons tous devant des chantiers. Par les couleurs qui, en partageant le tracé métallique de ces grues, les font tourner dans le vide de son obscurité absolue pour faire s'envoler mes hypothétiques questionnements.
1 2 suite