Anti-préface pour une exposition
par Denis Rivière
Parler de peinture est chose possible si on accepte un langage approximatif. La parole fugitive ne peut être que le pâle reflet d’un concept plastique. Il se définit paresseusement en tâtonnant dans la pensée et en éliminant les images mentales qui paraîtraient trop en opposition avec l’idée première. En tout état de cause, l’intention du narrateur sera comprise par l’empirisme du verbe. Il s’adresse bien sûr à des interlocuteurs initiés, qu’ils soient acquis ou opposés à ce discours.
Les textes sur la peinture sont autrement plus complexes. Souvent seule la qualité littéraire les sauve de la méconnaissance de cet art. Pour les meilleurs, ce seront des écrits poétiques qui agiront par analogie, ou bien des rapports analytiques ou sémantiques qui à force de décortiquer renvoient une image amputée du Désir.
La peinture est un monde complexe et riche où le mot ne pourra que castrer l’intention du peintre.
L’écrit est l’expression parfaite de la communication. Le mot a sa signification scientifique. Il est figé, codé et compréhensible par un maximum d’individus. Si par un manque de connaissances, on perd son sens, la lecture de livres spécialisés permettra de le retrouver. Mais peut-on ouvrir un livre pour comprendre les réactions des couleurs, des formes et des matières ! Non, car le moment qui se situe entre l’immatériel du concept et son existence visuelle est très court et appartient à une alchimie trop évanescente pour trouver l’équivalence verbale.
C’est vouloir rationaliser le non-dit, disséquer l’angoisse, décrypter ces mille picotements qui fourmillent sur le corps, analyser le vomi qu’est la création picturale.
Ce plaisir-désir est si raffiné qu’il se rapproche de l’acte charnel dans le sens érotique. Il est tout aussi vain d’expliciter la tension née de la vision du corps d’une femme, que les forces qui vous bousculent à vous faire naître un monde plastique.
La peinture n’est pas un art de la communication. C’est avant tout le moyen sublime pour mettre le voyeur en face de ses propres réalités. Elle agit comme un révélateur qui fixe dans l’instant le fragile équilibre de l’être.
L’hermétisme apparent des œuvres d’art n’a que faire des beaux discours. Il faut laisser de côté les oripeaux de la culture et des lieux communs qui s’y attachent pour me mieux se faire fouetter par le vent de la vie qui souffle dans la contemplation d’un tableau.