ID : 155
N°Verso : 105
L'artiste du mois : Edith Longuet-Allerme
Titre : Edith Longuet-Allerme : ou l'intensité fragile
Auteur(s) : par Philippe Tancelin, Poète Philosophe
Date : 08/10/2017



Url : www.lespasseursdesonges.com/edith_longuet-allerme

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Edith Longuet-Allerme : ou l'intensité fragile
par Philippe Tancelin, Poète Philosophe

On dit de l'artiste que dans le cheminement de sa création, elle s'adonne aux matières subtiles, celles-là qui pénétreraient l'esprit, le chercheraient et le toucheraient aux points les plus sensibles de son exercice. Mais ne s'agit-il pas d'un partage du subtile entre la matière et Edith Longuet-Allerme, partage surgi d'une rencontre d'étonnement et d'innocence qui appartient en propre au souffle de l'artiste, l'attise comme un feu en eau, un sable en poussière, l'air en son manque.  La rencontre se forme depuis la ballade ou plus exactement la flânerie...un hasard... mais un hasard maîtrisé par la passion de la découverte... non l'invention mais le recueillement devant ce qui soudain s'offre à tous les sens, était bien là mais encore in-vu et sur lequel l'artiste se pose, ne se met pas en arrêt, mais pour lequel il s'octroie cet instant de respiration avant la course dans le devenir créateur du croisement entre ses sens et la matière. Cette rencontre est toute de sagacité car il y a une énigme à deviner entre sable, poussière, eau, lumière et feu...l'énigme d'une résonance des uns, les autres avec soi et ce regard-témoin d'Edith Longuet-Allerme qui reconnaît en sa perception de l'instabilité des substances, le vestige de son antique création humaine.

L'artiste est funambule, elle marche sur ce fil tendu entre les éléments fondateurs et ce qui d'eux, s'abrite en elle pour genèse d'une création fragile, au gré du vent, de la dispersion, de l'éphémère, de l'indéfini, de l'in-tranquile. Les œuvres d'Edith Longuet-Allerme ne représentent pas. Si elles ont une figure, c'est celle de l'oeuvre témoin de l'instantané de son surgi qu'une subtile manière de le percevoir fait vivre de toute éternité dans l'enfance de notre regard.  Soudain on souffle des bulles qui forment des galaxies, on lance des plumes en l'air qui rappellent les meutes d'anges, une goutte d'eau s'épanche en fleuve de larmes, un grain de sable grippe la rotation de la terre, une poussière aveugle Dieu. L'oeuvre est là, telle une apparition-disparition, invite aux plus belles marches solitaires, flâneries de nos enfances sur les continents dérivant à l'envie...

Pour cette subtilité  de l'in-vu des choses les plus fondatrices de notre perception, Edith Longuet-Allerme n'hésite pas à se mettre en danger avec les matières. Elle les expérimente et c'est cette expérience dont l'oeuvre témoigne contre la maîtrise quelconque d'un résultat vis à vis de leur approche. L'oeuvre ainsi nous immerge dans son faire-même, étape par étape comme  parfois d'un seul trait, d'un unique élan vital, ce souffle impérissable de la découverte qui devient vision parce qu'elle demeure fragile et humble devant l'inconnaissable.

On ne peut pas se confronter à une réalisation de l'artiste sans faire l'expérience de notre propre subtilité à l'accueillir, sans comprendre l'énigme de notre propre regard sur elle et sur les éléments. C'est en cela sans doute qu'Edith Longuet-Allerme se fait notre propre éveilleur qui l'éveille elle-même aux énigmes de la nature en ses matières les plus sensibles et pénétrantes de notre fine et fragile intelligence humaine.

janvier 2015

 




Verso n°105
L'artiste du mois : Edith Longuet-Allerme
 
 
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