Philippe Compagnon,
50 ans de peinture
par Vianney Lacombe
Né en 1951, Philippe Compagnon n’a jamais fréquenté d’écoles d’art, et les quelques conseils qu’il a reçus viennent de son marchand de couleurs à La Rochelle, où il vivait. Le reste est concentration, exigence dans la réalisation, qualités qui restent les siennes jusqu’à maintenant. Ses premières toiles, en 1970, lui apprennent à peindre, et à mettre en scène des sortes de jeux de mots en images, des impossibilités logiques qu’il habille soigneusement de couleurs. Mais à partir de 1978, ce qui était anecdotique dans ses tableaux s’efface devant l’importance prise par la couleur dans tous les compartiments de la toile qui deviennent des supports de peinture pour les objets représentés. Ces objets perdent leur autonomie d’objets, se voient découpés pour que leurs sections s’organisent selon une géométrie puissante et colorée qui les utilise pour en faire des fragments de roues de vélo, fragments qui deviennent prétexte à étirer des rayons, à arrondir des angles et des braquets, à entourer les roues d’un fond dont l’organisation est le vrai sujet de la toile, ainsi que l’orangé des pneus et l’argent des rayons. Philippe Compagnon poursuit ce travail de peinture sur le vélo jusqu’à son installation à Paris, en 1984, et sa première exposition personnelle à la galerie Bernard Jordan. Les angles qui séparaient les rayons de ses roues se transforment en une organisation abstraite, géométrique, linéaire et saturée de couleur. Le noir devient, après plusieurs années d’expression figurative colorée, la couleur qui règle l’organisation du tableau, qui contraint et déploie les aplats de couleurs pures le long de ses bords. Cette période de la vie de Compagnon est une période de grande expérimentation, en peinture, mais aussi en sculpture où le noir joue également un rôle important dans les grandes construction linéaires qu’il érige en plein air, ainsi que dans le cadre d’expositions à la Fiac et dans la galerie Bernard Jordan, où la forme de l’acier peint prend appui sur les murs de la galerie, dispersant dans un espace pluridimensionnel le graphisme noir qui structure ses tableaux.
A ces moyens d’expression s’ajoute le dessin et la découverte du papier comme support privilégié. Dessin à la mine de plomb tout d’abord, essais prudents sur le grain du papier en reprenant le thème du vélo, très vite remplacé par des compositions abstraites au fusain et à la peinture noire qui n’occupent jamais la totalité de la feuille, mais laissent toujours une marge, un retrait autour de la composition qui met en évidence le papier, et montre que l’œuvre se rattache au graphisme, à la différence de la peinture qui prend possession de la surface entière de la toile.
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