Un art en quête d'universalité
par Jean-Luc Chalumeau
La peinture, approchée par Pasquier à l’Ecole des Beaux-Arts et aux Arts Décoratifs, n’est pas pour autant seule à l’origine de sa vocation. La musique l’accompagne, partagée avec son ami Serge Gainsbourg rencontré à la Cité des Arts en 1965, sous le soleil de ses vingt-cinq ans. La trame musicale ne cesse de le soutenir dans la conception de son travail, réalisé parfois en public et en musique en performances. Peut-être doit-il aussi à sa formation de musicien cette invention d’éléments modulaires, assemblés, déplacés, transformés, qui anime aujourd’hui toute son œuvre. Son travail de peintre commence par la saisie, dans la figuration, de mouvements, de forces qui le conduisent à l’abstraction. Ce passage progressif vers une peinture abstraite n’exclut pas l’évocation de ces forces primordiales, l’eau, le vent, le mouvement.
La peinture est faite de dualités qui sont à la fois antagonismes et connivences ;: le clair et l’obscur, le proche et le lointain, l’extérieur et l’intérieur… Ainsi fonctionnent les œuvres de Pasquier, au sein desquelles dialoguent par exemple le ciel et l’eau, ou bien la mer et le sable ou encore le feuillage et le soleil.
Mais la peinture n’est pas à comprendre, dans l’ensemble de son travail, comme un élément isolé. Elle s’est rapidement étendue au mur, à l’objet, adaptée aux lieux d’exposition, dans un geste qui évoque Marcel Duchamp. Le passage de la peinture à la sculpture s’est fait progressivement et comme naturellement. Nous le voyons avec les « ;photo-graphismes ;», la peinture, dans l’œuvre de Pasquier, peut aussi être relief, installation monumentale. Dès lors, comment concevoir comme autant de domaines distincts peinture, architecture et sculpture ;? Cette attirance pour la forme polie, lustrée, se manifeste la même année dans la série des Dunes, cônes de marbre clair dont les raies et plis sont à la fois rythme visuel et ondulations du sable. Débarrassée de tout socle, comme autant de pyramides égyptiennes qu’un architecte fou aurait rayées, elles semblent elles aussi faites pour une échelle monumentale et montrent combien, chez Pasquier, le passage du petit au monumental est évident.
Ses interventions en cadre urbain, dans les villes ou le long des autoroutes, semblent le prolongement naturel des sculptures d’atelier. Dans sa pratique de la sculpture, il sait aussi faire place au matériau brut, doté de mémoire. Ces branches ramassées lors de la tempête de 1999 témoignent – de même que les toiles commémorant le 11 septembre 2001 que l’artiste vécut à New York, auxquelles il a intégré la poussière des décombres – montrent que l’homme sait tenir compte de l’accidentel, de l’imprévisible, forces élémentaires de la nature ou tragédie humaine… Noël Pasquier peintre abstrait ;? Mais alors comment expliquer l’extraordinaire aptitude de cet artiste à épouser les thèmes et les situations les plus divers ;? C’est que, si Noël Pasquier est bien un peintre abstrait, il pratique l’abstraction selon une méthode qui ne serait autre que celle naguère définie par Robert Motherwell ;: « ;En tant que méthode, abstraire signifie choisir un élément parmi une myriade d’autres éléments, afin de mettre l’accent sur lui. ;» Noël Pasquier a un instinct infaillible qui s’accorde avec un travail de conceptualisation et de mise en œuvre minutieux. Un problème lui étant posé, il choisit immédiatement le bon élément (une forme, une couleur, une matière, un signe…) et il développe sa création à partir de lui. L’abstraction n’exclut rien. Au contraire, chez Pasquier, elle pose la question du sujet ;: son art s’apparente ainsi à une permanente prise de possession du monde dans son inépuisable diversité.