La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Eugène Isabey, Christophe Leribault, Louvre éditions/Le Passage, cabinet des dessins, s. p.
Le grand intérêt des expositions du cabinet des dessins du musée du Louvre est de nous présenter des œuvres qui sont rarement exposées et parfois de nous les faire découvrir. D’Eugène Isabey (1803-1886), nous ne connaissons plus que quelques tableaux, dont le saisissant Naufrage ou la Plage de Granville, qui annonce l’esprit de l’impressionnisme. Il se spécialise dans les paysages et les marines renonçant à la peinture de genre, sans doute à cause de son père si célèbre en son temps. Cette belle exposition nous montre un grand nombre d’aquarelles, en particulier des vues de la région de Varengeville, où il semble s’être mis en devoir d’en dévoiler les charmes – la campagne, les bords de mer, un manoir, des chaumières et même des intérieurs de ferme. Puis il nous fait visiter la petite ville de Vitré et le port de Saint-Malo. Ce sont des pièces très délicates, qu’il brosse avec un style très affirmé, mais très subtiles. Il y a chez lui ce sens aigu de ne pas chercher un « sujet », ni même le pittoresque, mais de donner une valeur à un lieu, qui parfois n’est qu’un fragment de nature, beau sans doute, mais qui ne présente rien de spécial et en tout cas rien de pittoresque. Les Ruines du château de Pierrefonds est néanmoins un travail puissant et suggestif, que l’on retrouve dans des lieux moins suggestifs, comme Le Fort impérial à Saint-Malo, où le fort n’est qu’une silhouette au fond. Christophe Leribault a fait non seulement un bon choix de ces aquarelles soutenu par la gouache, mais expose avec simplicité et clarté ce que ce peintre a pu accomplir avec ces petites œuvres, pleines de charme, de sensibilité et capable de retenir l’attention tant ce qu’il montre de la Bretagne et encore plus de la Normandie recèle une beauté qui n’est que la manifestation pure de sa façon de saisir l’instant, par exemple dans Les rochers de Saint-Malo, où il accentue la présence des blancs (celui de l’écume, celui des nuages, pour mettre en scène un mer paisible le long d’un côte paisible).
César, le Rhône pour mémoire, sous la direction de Luc Long & Pascale Picard, Actes Sud/musée départemental Arles antiques, 394 p., 40,50 €.
(L’exposition été présentée en Arles )
Le catalogue de cette exposition est passionnant à plusieurs titres. D’abord il nous offre une étude très poussée des portraits de Jules César qui ont été retrouvés en France, dans le Midi. C’est une façon de comprendre quelle représentation on a pu se faire a posteriori du conquérant des Gaules. Mais la partie la plus intéressante de cet ouvrage érudit est sans nul doute celle qui concerne la figure du Gaulois captif. La merveilleuse sculpture en bronze, dont la conservation est parfaite, monte que le peuple vaincu ne baisse pas la tête et, au contraire, la relève avec fierté. C’est l’image même de la défaite vécue non avec amertume, mais avec l’expression du courage et de la vaillance. On peut aussi admirer une superbe Victoire en bronze doré, qui est remarquable car dépourvue d’ailes. Elle appartient à un registre iconographique qui est très présent. Mais elle s’en différencie par le traitement du visage, qui n’a rien de stéréotypé et qui est traité avec sensibilité et par le mouvement du corps qui n’est pas emphatique. Elle se rapproche des figurations de la Vertu ou de la Fortune. L’auteur de l’article, Pascale Picart à son sujet souligne à juste titre l’influence hellénistique dans sa conception. Une large place est réservée dans le catalogue à la vie quotidienne. Cela nous permet de mieux comprendre comment vivaient les Gallo-Romains et comment leur vie s’organisait autour de certains objets usuels qui se distinguent par leur simplicité autant dans la facture que dans la décoration. En somme Rome triomphe dans la politique et s’efface en partie dans le monde vernaculaire. Tout ici est passionnant et raconté avec beaucoup de compétence et de simplicité, même si l’étude historique est très soignée.
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