La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Marquise ou la vie sensuelle d’une comédienne, Christophe Mory, « Moments d’histoire », Editions du Moment, 320 p., 19,95 €.
Nul n’ignore le goût prononcé de Christophe Mory pour le XVIIe siècle. Il avait écrit un plaisance Molière pour la collection « Biographie » en Folio. Cette fois, il est passé au romanesque débridée en imaginant une jeune et jolie femme, à la moralité pas très aiguisée, mais qui a un grand cœur (on a le droit de penser à Angélique…) qui épouse un des acteurs de la troupe de Molière, René Berthelot, dit Gros-René. Ce n’est pas un mariage d’amour, c’est un moyen pour elle de s’incruster dans le milieu théâtrale. Au long de son existence mouvementée, elle connaît Corneille, Racine et bien sûr Jean-Baptiste Pocquelin, Bossuet, Boileau et d’autres encore – enfin presque tous les hommes de lettres qui comptent alors. . Elle noue toutes sortes d’intrigues amoureuses. Ce n’est pas tant l’existence de celle qu’on surnomme Marquise qui se révèle el plus important dans ce gros roman, mais plutôt l’atmosphère du monde théâtral, la rivalité entre les compagnies, entre les auteurs, les trahisons des acteurs, bref ce qui a fait l’essence de ce moment magique de ce Grand Siècle où la scène française a connu ses sommets. Les faits et gestes de Marie-Thérèse Berthelot ne nous indifférent pas. Mais ils ne servent ici que de fil conducteur à la mise en place d’un décor et d’un monde suprêmement passionnant. Peut-être que l’auteur aurait-il dû plus condenser sa narration et rendre plus présents tous ces personnages. Il ne suffit pas qu’il écrive « Racine » et que soudain l’homme nous apparaisse dans toute sa complexité. C’est un roman plaisant à lire, mais que Christophe Mory n’aurait pas dû écrire dans cette veine populaire qui ne le convient qu’à moitié.
La Convergence des alizés, Sébastien Lapaque, Actes Sud, 346 p., 21,80 €.
L’auteur a visiblement voulu prendre modèle sur le caractère baroque de certains écrivains latino-américains. C’est de toute évidence très loin de la tradition littéraire française et même de d’auteurs singuliers dans le paysage comme Céline. Il a donc voulu faire un livre où un grand nombre de récits s’enchevêtrent avec comme fil d’Ariane l’histoire d’amour de Zé le Brésilien et d’Helena Bohlman, une chercheuse qui est venue en Amérique latine pour terminer sa thèse en géographie. Un flux d’anecdotes décousues et de destins qu’on a bien du mal à suivre s’enchevêtre dans ce livre qui déjoue les lois de la raison. Ce n’est pas cela qui choque, mais le fait qu’on s’y perd comme dans un labyrinthe. On comprend que l’auteur a créé cette mosaïque et cette dynamique fantasque pour faire découvrir les facettes innombrables de cet immense et complexe pays qu’est le Brésil. Mais M. Sébastien Lapaque n’est parvenu qu’à engendrer un monstre à quarante têtes sans qu’on s’intéresse beaucoup aux personnages qu’il a imaginés. L’ouvrage es touffu, bavard (le drame de ce genre de projet) et déséquilibré. Et surtout, il manque de substance. C’est une sorte de film « nouvelle vague » au montage aléatoire. C’est parfois drôle, c’est parfois frappant, mais le tout n’est pas cohérent – je veux dire : dans l’optique qu’il s’est donnée. Il y avait ici matière à une grande aventure romanesque – on ne trouve que des fragments de narration qui sont collés bout à bout en donnant l’impression de former une image prismatique.
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