La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
La vie rêvée d’Ernesto G., Jean-Michel Guenassia, Albin Michel, 544 p., 22,90 €.
Le titre de ce roman me paraît malheureusement : l’action se déroule d’abord à Prague, à Paris, puis à Alger, à Paris et enfin de nouveau en Tchécoslovaquie. Ce n’est qu’à la fin qu’apparaît, d’une manière d’ailleurs un peu déplacée, la figure de Che Guevara. La photographie de couverture ne fait que renforcer le trouble : on y voit August Strindberg marcher dans la rue l’hiver ! Cette saga familiale qui embrasse trois générations prend pour fil d’Ariane l’histoire de la Tchécoslovaquie au XXe siècle. C’est l’histoire d’une famille juive de Prague, les Kaplan, dont le destin permet à l’auteur de relater les événements dramatiques qui ont changé le monde. Tout commence dans la capitale d’un nouvel Etat né après la Grand Guerre. Le père, Edouard est un passionné de généalogie.
Son fils Joseph, vit une enfance heureuse jusqu’à la mort de sa mère Teresa. Adolescent, il se prend de passion pour les chanson de Carlos Gardel et cette passion sera un leitmotiv de toute sa vie. Joseph se rend à Paris pour terminer ses études. Mais la guerre arrive et il se retrouve à Alger. Au début, tout semble bien devoir se passer et il rencontre Christine avec laquelle il a une profonde histoire d’amour. Mais les lois raciales du gouvernement de Vichy le font envoyer dans un camp d’internement perdu dans le djebel où son existence devient un pur enfer. Quand il est finalement libéré, Christine ne l’avait pas attendu. Il finit par rentrer dans son pays, qui ne tarde pas à entrer dans la zone d’influence soviétique. Il poursuit sa carrière scientifique, il se marie et il aune fille Helena. Un de leurs amis est un Cubain prénommé Ramon. D’où peut-être l’irruption fantomatique de la figure ambiguë du Che. Il a des ennuis avec la police secrète. A la fin, les Kaplan se retrouvent tous et après une folle succession d’heures dramatiques, ils ont survécu au drame de leur temps. C’est une fiction bien architecturée, assez classique, écrite de manière telle qu’on n’abonne pas sa lecture à mi-chemin. Mais il manque à ce livre un je ne sais quoi qui en ferait un grand livre.
Le Jardin des représailles, Paul Desjacques, Editions Baudelaire, 180 p., 16 €.
L’histoire débute à à Hansenbourg. Le docteur Ascholdé a une vie plaisante jusqu’au jour où un drame survient : la mort de son fils et de sa fiancée. C’est alors qu’il va faire la connaissance de Madame Isabelle de Brouhansec, qui vient le consulter. Experte en botanique, elle a écrit un gros volume où elle a consignée ses découvertes qui représente un grand intérêt pour la botanique, mais aussi pour l’industrie pharmaceutique. Celle-ci meurt et le docteur hérite de cet ouvrage précieux. Il se lie avec un garçon, qui présente des syndromes d’arriération, mais qui possédait en réalité des facultés bien étrange, en particulier une mémoire exceptionnelle : il connaissait par cœur tous les noms des victimes de la Shoah et celui des victimes du drame du 11 septembre 2001 à New York.
Cet être exceptionnel va lui être d’un grand secours dans ses entreprises. Il s’est mis en tête de fouiller son passé et de reconstituer l’existence de sa bienfaitrice et de comprendre ce qui s’était déroulé dans son enfance. Et il voit son jardin tenu avec si grand soin comme le « jardin des représailles ». C’est un roman étrange, qui n’est presque pas un roman, écrit comme un rapport clinique, d’une manière savante, avec le langage de l’étude analytique et psychiatrique. Paul Desjacques a composé un livre qui déroute. On s’égare dans le méandre des raisonnements de son héros. Mais il présente quelque chose de si particulier que nous sommes bien obligé de suivre son aventure, aussi baroque soit-elle.
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