La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Mon père, Orhan Pamuk, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy & Gilles Authier, Folio Gallimard, 96 p., 2 €.
Ces trois textes, tous tirés de son livre intitulé D’autres couleurs, ont pour dénominateur commun la figure du père de l’auteur. Ils sont d’abord extrêmement touchants (ils auraient très bien pu, pour les deux premiers, figurer dans son autobiographie, Istanbul, qui est en même temps une « autobiographe » de « sa » ville natale). Le troisième est le discours qu’il a prononcé lorsqu’il a reçu le prix Nobel en 2006, où il raconte que son père lui avait donné une petite valise remplie de ses propres écrits. Il lui avait demandé de voir s’il y aurait quelque chose de publiable. Mais il n’est jamais parvenu à avoir le courage d’ouvrir cette valise. A partir de cette anecdote étrange, il s’attache à cerner les qualités indispensables pour mener à bien une œuvre littéraire d’une grande portée. Ses recettes sont simples, comme semble l’être son écriture, simples, mais sans nulle doute exigeant une somme immense de travail et d’endurance pour parvenir à cette simplicité de façade. Car Pamuk est un écrivain complexe. Le rapport avec son père révèle toute cette complexité, tout en la délivrant dans des pages qui s élisent avec délectation.
Le Purgatoire, sous la direction de Guillaume Cuchet, Editions HESS, 336 p., 23 €.
Ce livre rassemble les communications qui ont été prononcées sur ce thème au cours d’un colloque à Avignon qui a eu lieu en 2007. A première vue, pas de quoi fouetter un chat, tant l’idée du Purgatoire est ancrée en tout chrétien qui est allé au catéchisme. Mais en réalité, les choses sont extrêmement complexes dès qu’on touche à la théologie. D’aucuns affirment que c’est saint Augustin qui a introduit l’idée de purgatoire, d’autres, comme Le Goff, avancent que cette notion n’a pris corps qu’au XIIe siècle. Il est d’ailleurs à noter que les travaux de Jacques Le Goff sont au fondement de cette réunion de spécialistes qui ont tenté d’en décortiquer tous les aspects, à commencer par celui de ses origines réelles.
Si les thèses du grand historien semblent devoir être confirmées, il faut néanmoins contempler les étapes préalables qui, depuis l’Enchiridion d’Augustin d’Hippone, passent par Julien de Tolède pour arriver à Pierre Abélard et Hughes de Saint-Victor. Ensuite il convient d’examiner la question des parfaits, qui permettait de diviser le monde en deux parties claires, les bons et les mauvais. Très vite, on se rend compte qu’il y a quatre catégories de mortels et qu’un lieu s’impose pour que ces presque parfaits ou ces pas assez mauvais résident avant de rejoindre le ciel. Rien n’est simple d’un point de vue dogmatique, et l’Eglise est revenue sur cette question, même récemment. En somme, ce livre est une mine extrêmement prodigue pour qui a nécessité de s’abîmer dans ce genre de question. Je tiens à attirer l’attention, parmi toutes ces interventions de grande qualité, sur celle de Marie-Hélène Froeschlé-Choppard, « Les confréries du Purgatoire au XVIIe et XVIIIe siècles », car elle nous enseigne beaucoup sur la très singulière question des indulgences, dossier qui n’est pas entièrement clos comme on a tendance à le croire.
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