La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Antoni Clavé, Hôtel des Arts, 60 p., 18 €.
Le peintre catalan Antoni Clavé fait partie de ces peintres qu’on a un peu oubliés. Dans l’esprit de beaucoup il appartient au grand courant abstrait de l’après-guerre où il semble tenir un rôle marginal. Cette image a besoin d’être sérieusement reconsidérée. L’exposition de l’Hôtel des Arts de Toulon qui a eu lieu cet été a permis de commencer à prendre conscience que Clavé vaut mieux que ce qu’on a pu en penser. Pendant les années 80, il a su s’évader des thèmes purement abstraits des décennies précédentes pour se lance dans toutes sortes d’expériences. Il multiplient les formes les plus diverses de collages, de superpositions, de mélanges de techniques. Il introduit dans ses compositions des reliefs et mêmes des éléments figuraux. Malgré la diversité des techniques qu’il emploie, il a su maintenir une unité stylistique très forte. Ces tableaux sont impressionnants par leur esprit vif, emporté, juvénile. Il serait temps de replacer Antoni Clavé dans le panthéon de l’art de ces soixante dernières années car, rien que pour cette période féconde. Ila su, comme Tapies, fait feu de tout bois mais sans renoncer pourtant aux grandes lignes de son écriture. Et on ne peut qu’admirer la force et la capacité suggestives de ses ouvres réalisés à un âge déjà avancé.
Wols, dessins, LAAC/Archibooks, 144 p. , 21 € .
Alfred Otto Wolfgang Schulze est né à Berlin en 1913. Et il meurt prématurément à Paris en 1951. Il eut une existence errante et un destin assez malheureux : il s’exile en 1933 pour fuir le nazisme, s’installe à Majorque, dont il est expulsé en 1935 puis s’installe à Paris où il arrive à vivre de la photographie, un art où il se révèle brillant. Mais la guerre arrive et le voici prisonnier au camp de Colombes puis au célèbre camp des Milles. Une fois libéré, il doit fuir de nouveau. Il va dans le Midi et tente par deux fois de se rendre aux Etats-Unis sans succès. En 1943, il rencontre l’écrivain et collectionneur Henri-Pierre Roché qui s’intéresse à lui et acquiert ses premières ouvres. En 1945, il retourne à Paris et sa première exposition a lieu à la galerie René Drouin. Il se lie d’amitié avec Mathieu et avec des hommes de lettres comme Sartre et Paulhan. En 1948 il entre en relation avec le galeriste Pierre Loeb. Il fait dès lors parti des protagonistes de premier plan de l’Ecole de Paris. Ses dessins et ses aquarelles sont remarquables et ce catalogue témoigne de la qualité de l’exposition au LAAC de Dunkerque. Ses travaux sont étranges, manifestement influencés par le surréalisme (mais aussi par le taoîsme), il se situe entre l’abstraction et la figuration (souvent plus abstraites que figuratives, mais les titres ont ici leur mot à dire). On parle volontiers à son sujet de « décomposition ». Ce n’est pas exact si l’on ne considère pas ce qu’il a écrit sur son propre travail. C’est plutôt une libre transcription de ses rêves. N’a-t-il pas écrit dans son Aphorisme n°59 : « L’expérience que rien n’est exprimable mène au rêve […] Décomposition. L’inexprimable sera - de manière inexprimable - contenu dans la perception intérieure.
Roché a eu une curieuse formule à son sujet : « Pendant qu’il dessine, il ne sait pas ce qu’il dessine. » Il le voyait comme un descendant des maîtres de l’écriture automatique. Mais elle doit être corrigé - il savait et ne savait pas puisqu’il avait une vision précise de l’accomplissement d’une œuvre. Il est enfin à noter qu’il avait une prédilection pour les papiers roses ou rouges avec des titres éloquents. En somme, Wols avait fondé un monde unique, riche et saturé d’inquiétante étrangeté.
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