La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
New York est possible, Clémentine Hougue, photographies d’Arnaud Gabach, Kirographaires, 72 p., 18,95 €.
L’auteur a choisi le mode de la digression. A mi-chemin entre le récit de voyage et la fiction, sa découverte de la ville de New York aujourd’hui est une initiation à la hante poésie de cette ville, si jeune encore et déjà surchargée de réminiscences littéraires : Melville, Wolfe, Henry James, John Dos Passos, Kerouac, Ginsberg, Burroughs, Walter Crane, Frank O’Hara, pour ne citer que les auteurs les plus illustres qui l’ont évoqué et qui en ont fait non seulement le décor, mais l’âme de leurs récits ou de leurs poèmes. Les fragments de Clémentine Hougue sont plein d’esprit, pétillants, peut-être un peu trop courts à mon gré. Quant aux photographies, elles sont volontairement décalées, c’est-à-dire qu’elles n’illustrent pas le texte ni ne le prolongent. Elles constituent un autre récit, tout à fait autonome. C’est d’ailleurs un peu regrettable car, comme le livre est mince, il aurait été plus intéressant que le deux registres aient quelques connivences. C’est le premier livre de Clémentine Hougue. Sans doute saura-t-elle aller plus loin dans sa recherche d’écriture.
Aldo Mondino Sculptore, sous la direction de Valerio Deho, Allemandi & C., Turin, 144 p.
L’exposition d’Aldo Mondino à la galerie Downtown de la rue de Seine a rappelé à notre mémoire un grand artiste qui a disparu prématurément en 2005. Après avoir longtemps vécu à Paris, où il était proche de la figuration narrative, sans y participer vraiment – il avait un sens aigu d e l’individualisme, mais aussi une démarche singulière et parfois imprévisible qui le faisait échapper à toute classification. Ce catalogue, qui accompagnait l’exposition qui a eu lieu à Pierasanta à la fin de 2010, nous montre toute l’originalité de la recherche plastique de Mondino. Ce dernier est venu tard à la sculpture et aux installations. C’est à la fin des années 60 qu’il réalise ses premières tentatives comme Initiation (le poison qui marche sur un pied) et Gravière, où il a accroché des poissons fumés à un châssis. Depuis lors, il a ponctuellement utilisé cette technique et a donné des œuvres tout à fait surprenantes comme Palio (1996) qui semble avoir été plagié par un artiste célèbre qui a placé le corps d’un cheval dans un mur, alors que Mondino, lui, avait fait sortir du mur des pattes multicolores de fiers coursiers des courses ancestrales de sienne. Il a transformer une ancienne machine à coudre Singer en un socle où un chat remplace la machine, il a pastiché la sculpture futuriste avec La Maman de Boccioni (1992). Il a beaucoup aimé détourner des ouvrages de ses illustres prédécesseurs et aussi de ses contemporains, avec humour et sans exprimer le désir d’une critique véhémente. Il avait le sens inné du jeu et de l’invention.
L’exposition de la galerie Downtown a eu l’insigne qualité à la fin de ce printemps de présenter différents aspects de son art : des peintures (des portraits d’auteurs célèbres), de grands dessins, des sculptures (par exemple, les deux fausses boîtes à violoncelle baptisée Viole d’amour, 1985) et des objets. La qualité des œuvres rassemblées donnait une bonne idée de la diversité de ses œuvres, mais aussi de ce qui les liait le s unes aux autres : son ironie mordante mais toujours ludique, sa grande culture, son goût pour l’invention qui pouvait être héritée de Dada ou du surréalisme ou se servir et de détourner les styles du XXe siècle. Mondino a aussi été un grand peintre voyageur et de ses différents périples en Turquie, en Egypte, en Israël, il a rapporté des tableaux et des dessins qui avaient la saveur des peintres orientalistes d’autrefois avec cette touche moqueuse de modernité dans le rendu picturale.
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