La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Plaisirs de glace, Alexis Mitzger, Hermann, 122 p., 19 €.
L’auteur a fait une brève étude de l’hiver comme sujet des tableaux des artistes hollandais du XVIIe siècle. A priori, la chose semble assez banale et subsidiaire. Mais, en réalité, elle se révèle plus intéressante qu’on aurait pu le croire. Très peu de peintres ont représenté l’hiver. Les toiles célèbres de Brueghel l’Ancien pourraient laisser croire que le thème était fréquent. En réalité, très peu d’ouvres s’y attachent et, souvent, les Nativités, qui devraient être représentées en pleine hiver, sont montrées au printemps. Brueghel est l’un des rares à monter une Adoration des mages sous la neige ! En s’appuyant sur une étude de Le Roy Ladurie, l’auteur s’interroge sur les violents changements climatiques qui ont pu être la cause de cette évolution dans l’art hollandais. Mais cette clause, qui n’est pas à négligée, ne peut expliquer un tableau de Hendrick Avescamp de 1608 alors qu’on a enregistré un hiver particulièrement dur en 1650. Ce travail devrait être considérablement approfondi et développé.
Ailleurs ici, Sarkis, Anne Marquez, photographies d’André Morin, Skira/Flammarion, 160 p.
Sarkis, dans la déferlante de l’Art contemporain, demeure un artiste intéressant, qui porte à la méditation, qui a laissé derrière lui quelques belles œuvres et dont la démarche est parfois saisissante. Dans le cas des vitraux, art qu’il a pratiqué à de nombreuses reprises depuis le début des années 2000, et qu’il a particulièrement affectionné, conservant les modes traditionnels (le verre et le plomb), mais y introduisant volontiers la photographie, Une grande exposition présentée au château de Chaumont-sur-Loire, il réunit un grand nombre de ses créations qui montre à quel point il a aimé l’hybridation des formes. Depuis les trente-neuf vitraux du réfectoire, du dortoir et de la salle capitulaire du prieuré cistercien de Saint-Jean-du Grais (2004), jusqu’à ceux du château d’Adhémar (pour ne parler que de ceux deux réalisations) et les nombreuses créations de cette période sans destination physique précise, Sarkis a montré sa capacité de renouveler le genre, parfois avec bonheur, parfois avec moins de succès. Mais il n’empêche qu’il a ouvert un grand chantier dans ce domaine qui reste encore à bâtir. Beaucoup a été fait (comme les merveilleux vitraux de la cathédrale de Zurich par Polke), mais tant et tant reste à faire.
Jean Rustin, peinture du réel, Centre d’art contemporain de Mont-de-Marsan, 74 p., 10 €.
Jean Rustin a de nombreux admirateurs inconditionnels en France. Figuratif en diable, ses personnages sont néanmoins des êtres improbables. Ils expriment des sentiments et des affects forts, souvent tragiques. L’exposition de Centre d’art Raymond Farbos présente pour l’essentiel une série de peintures où l’artiste a représenté un ou deux individus, parfois des couples dans des scènes obscènes. Ils sont grotesques et pathétiques, d’une laideur consommée et d’une tragique laideur. Dans le texte de présentation qu’il a écrit, Jean Rustin fait état de l’image que chacun se forge de son corps et du corps des autres : donc il n’y a finalement rien de réalisme dans sa démarche et le titre de l’exposition ( « peinture du réel ») est presque une provocation : par un seul des hommes ou des femmes qu’il a placé sur la toile a quelque chose de réel en dehors du fait qu’il montre les principales caractéristique de l’être humain. C’est une peinture qui est humorale et existentialiste aurait-on dit à une autre époque. Elle frappe l’imagination, elle choque, elle a l’intention de bouleverser le spectateur.
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