Faust d'Alexander Sokourov :
par Julian Starke
En étroite collaboration avec le célèbre chef opérateur Français Bruno Delbonnel, le réalisateur Russe Alexander Sokourov signe le dernier volet de sa tétralogie sur le pouvoir après Moloch (1999) sur Hitler, Taurus (2001) sur Lénine et Le Soleil (2005) sur Hirohito.
Disciple de l’illustre Andreï Tarkovsky, Sokourov ne déroge pas à la règle et fait vivre l’art dans son film.
Loin d’éloigner les questions philosophiques qui sont posées à travers l’œuvre de Goethe, il transmet la réflexion par la peau, le ressenti plutôt que par l’intellect, les mots.
Docteur Faust, grand bonhomme aussi robuste et maladroit, qu’intelligent et sensible, semble être respecté pour son travail. Vivant dans la misère, n’ayant pas de quoi se payer de l’encre pour continuer à écrire, il voue sa vie, (et plus tard sa mort) à la recherche de l’âme.
Il n’hésite pas à aller la chercher dans les entrailles d’un cadavre au cas où elle se serait cachée entre deux organes.
Son acharnement sans limite ne s’arrête pas là : il noue une relation avec Méphistophélès (le diable) incarné par un usurier du nom de Mauricius : ce sera le cœur de l’histoire.
Mené en bateau par le fourbe, Faust ne se préoccupe que peu de sa vie ; il n’hésite pas à vendre son âme en quête de quelques informations sur la nature de l’âme humaine.
Le diable manipule, le docteur se passionne.
Le spectateur est plongé dans un monde oscillant entre l’onirisme et la réalité, le drame et le grotesque, le paradis et l’enfer.
Le film dépasse la simple adaptation, il offre des espaces de l’image sonore en mouvement qui sont propres au cinéma : un temps suspendu, une atmosphère aquatique, une pureté visuelle et d’autres encore.L’image et en particulier l’étalonnage sont l’objet d’un travail d’orfèvrerie.
Pour chaque plan, Sokourov peint une aquarelle qui représente la variation de couleurs que l’image doit suivre dans sa durée (ce qui a été reproduit numériquement par la suite).
Par cette méthode singulière, le réalisateur arrive à créer des univers bien distincts qui vont agir comme des aimants : les plans s’attirent et se repoussent.
Il y a par exemple au sein d’une seule et même séquence un étalonnage variable, on pense notamment à la scène ou Marguerite se rend chez Faust.
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