Banditi dell’Arte, une ontologie
par Marie-Noëlle Doutreix
La halle Saint Pierre expose jusqu’au 6 janvier 2013 à Paris des créations italiennes d’art brut et d’art populaire.
Le vocabulaire désignant ces œuvres ; « en dehors » du monde culturel, « hors normes », « outsiders » ou « marginales », témoigne d’une ambigüité conceptuelle. Les œuvres présentées dans l’exposition Banditi dell’Arte ont-elles plus en commun qu’un statut de non appartenance ? Faut-il, à cause de l’échec de l’essentialisme en art, abandonner en tant que critique la recherche d’une identité commune à ces œuvres ?
Art pathologique et art populaire
« Il n’y a pas plus d’art des fous que d’art des malades du genou »[1] ; Jean Dubuffet proposait là une première réponse aux difficultés ontologiques que pose l’art brut. L’exposition Banditi dell’Arte, belle initiative pour une reconnaissance institutionnelle et critique des pratiques artistiques jusqu’ici pensées comme marginales[2], ne fait pas l’économie des paradoxes entourant l’art dit « hors normes ». Ce qui fait la valeur de cet art, son originalité, constitue ce que les commissaires d’exposition souhaitent en même temps lui retirer, puisque l’objectif de la démarche, la reconnaissance institutionnelle de l’art « hors normes », induit de fait, une norme. Cette contradiction, difficile à éviter lorsque l’on expose une forme d’art dont la valeur est justement basée sur son indépendance vis à vis du système culturel, est héritée directement du père conceptuel de l’art brut. En effet, Jean Dubuffet attaque la culture et pourtant collectionne, nomme et montre les œuvres qu’il découvre, les faisant ainsi rentrer de facto dans le monde de l’art. Comme le souligne finement Anne-Marie Dubois, en identifiant les œuvres et en créant le concept d’art brut, il catégorise celles-ci et les inscrit dans un mouvement culturel[3]. Nonobstant, écrire un texte sur l’art ou en être le lecteur, c’est penser que la valeur des œuvres ne s’avère pas altérée, ni par le monde culturel ni par ce qu’on dit d’elles. Dépassons donc ces remarques préliminaires afin de plonger dans les œuvres et d’ouvrir une porte sur l’univers particulier d’individus[4].
[1] Par Jean Dubuffet, extrait du catalogue de la 1ère exposition d’Art brut.
[2] Citation du texte d’introduction à l’exposition.
[3] Anne-Marie Dubois, De l’art des fous à l’œuvre d’art, Vol 1 Histoire d’une collection, Centre d’étude de l’expression, Paris, 2010.
[4] Citation du texte d’introduction à l’exposition.
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