La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Indociles, Laure Limongi, Editions Léo Scheer, 208 p., 18 €.
Nous connaissions l’œuvre de fiction de Laure Limongi et son travail d’éditrice, qui nous a permis de découvrir Hélène Bessette, figure complètement oubliée de la littérature française de la seconde moitié du XXe siècle. Cette fois, nous la fréquentons comme essayiste. Elle s’est attachée à quatre auteurs. A propos d’Hélène Bessette, elle raconte son histoire éditoriale qui a commencée pour le mieux avec MaternA (Marguerite Duras en fait l’éloge, Queneau l’avait soutenu chez Gallimard) et qui s’est poursuivie par un procès calamiteux pour son troisième roman. Elle est condamnée pour atteinte aux bonnes mœurs et surtout pour avoir prétendument calomnié une certaine madame Lecocq, homonyme d’un personnage de son livre. Les Petites Lecocq la condamne au silence et à bien des ennuis. Laure Limongi parvient aussi à communiquer son amour pour la littérature de cette femme si peu banale et qui s’est révélée un écrivain de valeur. En ce qui concerne Kathy Acker, elle tente de révéler ce qui fait l’originalité de la démarche de cet auteur disparu trop tôt. L’affaire étant complexe, Laure Limongi choisit une optique de la dérision et du plagiat et tente d’en distinguer les sources. Elle cite beaucoup Deleuze, ce qui est juste, mais glisse sur l’influence considérable de William S. Burroughs. Seulement voilà, elle oublie un certain nombre de textes publiés en revue, parfois des ouvrages complets. Au moins, elle n’en fait pas féministe endiablée, c’est déjà énorme. L’étude de la poésie de Denis Roche est remarquable par son originalité et ses intuitions. On ne peut qu’applaudir. Mais ce qui me semble la partie la plus passionnante de l’ouvrage est sans nul doute l’étude sur B. S. Johnson, qui peut paraître une figure incongrue dans ce contexte. Ces pages sont écrites avec beaucoup d’humour et d’auto ironie. En somme, c’est un livre écrit avec passion dans une langue sans affection et avec des arguments parfois discutables, mais toujours riches d’enseignements.
Un siècle de Goncourt, Robert Kopp, « Découvertes », Gallimard, 144 p., 14,70 €.
La donation de Jules et d’Edmond de Goncourt n’a-t-elle pas été un cadeau empoisonné ? La création d’un prix littéraire a été une idée généreuse et bien intentionnée. Mais les faits ont souvent démenti ces présupposés. Nous avons oublié bon nombre des auteurs qu’il l’ont reçu (Jean-Antoine Nau, le premier couronné en 1903, Alphonse de Châteaubriant, Maurice Genevoix, Mazeline, par exemple), et si l’on s’en rappelle vaguement, ce ne sont pas des livres immortels qui ont été récompensés. André Malraux, cela va sans dire, Joseph Kessel, Romain Gary, André Pieyre de Mandiargues (pour le moins bon de ses livres !), Patrick Modiano, Jean-Jacques Schuhl semblent l’avoir mériter. Mais combien d’autres, ne paraissent pas l’avoir mérité. Une exception : le Feu, d’Henri Barbusse, un livre qui n’est pas un chef-d’œuvre, mais qui est un témoignage important de la Grande Guerre. Mais ni Marcel Proust, ni Louis-Ferdinand Céline, ni Louis Aragon ni André Breton - la liste serait assez longue - ne sont récompensés. Pour ne rien dire des écrivains du Nouveau Roman, dont certains seront repêchés par le Renaudot à part Marguerite Duras, qui n’a fait que croiser le chemin des auteurs célèbres des Editions de Minuit dans son âge d’or. Il devient si déconsidéré dans le véritable monde des lettres que Julien Gracq le refuse sans ambages. Cela n’empêche pas ce prix de demeurer le plus prestigieux de tous. Cette étude est vraiment intéressante. Elle met bien en valeur ses enjeux et les stratégies du monde éditorial. Mais elle n’est pas toujours claire et précise. Il n’y a pas même une liste complète des prix depuis sa création L’étude a été un peu bâclée et ne se sauve que par l’abondance de documents.
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