La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Lybia, Adrien Salmieri, Editions de Corlevour, 320 p., 20 €.
Adrien Salmieri nous fait voyager dans le temps et l’espace. Il nous entraîne dans le Tripolitaine en 1911, peu après la conquête par les troupes italiennes. On est bien loin du long poème de F. T. Marinetti la Bataille de Tripoli ! Ce n’est pas le point de vue guerrier, héroïque, colonisateur qu’il met en avant, mais celui de la vie de toutes ces populations composites qui ont cohabité alors dans cette terre d’Afrique où Rome a laissé ses traces monumentales les plus belles et qui a été ensuite islamisée. Ce n’est donc pas tant l’intrigue qui a ici de l’importance, mais bien plutôt ce qu’elle révèle, c’est-à-dire un monde composé d’Européens et de Libyens, de Turcs, de Juifs et d’Arabes que l’histoire a remis en présence avec autorité mais qui frayaient déjà ensemble depuis des siècles. Salmieri nous offre de belles descriptions de Tripoli autrefois, du désert et de la vie quotidienne de toutes ces communautés apparemment étrangères. Le récit est parfois un peu lent, les intrigues trop embrouillées. On aurait aimé plus de concision. Mais ce qui ressort de cet ouvrage, c’est d’abord cette qualité de peintre de l’auteur qui prime avant toute autre considération. Sans nostalgie, mais aussi sans jugement porté sur ce lourd passé, il a été capable de restituer l’intensité de l’existence de l’autre côté de la Méditerranée peut avant que n’éclate la Grande Guerre. C’est bien sûr le monde italien qui intéresse Salmieri au premier chef. Mais il n’a de vérité et de consistance qu’en relations aux autres et pas seulement pour des raisons commerciales ou pratiques. Lybia est donc un livre qui permet de comprendre cette ancienne colonie ottomane, tombée dans le giron de l’Italie dont les rêves s’enliseront peu après dans les sables d’El Alamein.
III De la connaissance
Hommes et femmes du Moyen Age, Jacques Le Goff, Flammarion, 445 p., 35 €.
Nous connaissons la plupart des figures présentées dans ce vade-mecum richement illustré et divisé par grandes périodes (le Moyen Age a duré quelques huit siècles !) pour les avoir rencontrés lors de nos études primaires, secondaires et même universitaires sans avoir eu vraiment ni le temps ni le désir de mieux les connaître. Jacques le Goff et ses collaborateurs nous présentent leurs portraits et les restituent tels qu’en eux-mêmes. Prenons le cas de Pierre Abélard. La plupart d’entre nous se souviennent de l’histoire romantique et tragique de sa relation passionnée avec Héloïse, qui lui cause bien des soucis. Mais les philosophes savent qu’il a joué un rôle fondamental dans l’histoire des idées. C’est l’ennemi juré de saint Bernard, qui veut sa perte. Et ce n’est pas le seul. Sa Théologie du bien suprême est condamnée en 1121 par le concile de Soisson. Il est de nouveau attaqué par le cistercien Guillaume de Saint-Thierry pour ses thèses et Bernard parvient à convaincre le pape à le condamner au « silence perpétuel ». C’est l’ordre de Cluny en la personne de Pierre le Vénérable qui le recueille dans le prieuré de Saint-Marcel. Sa biographie est remarquablement résumée. Je regrette seulement que sa pensée ne soit pas exposée ici dans ses grands traits. C’est le défaut de l’ouvrage, remarquable du point de vue historique et pauvre du point de vue philosophique. Mais on ne saurait bouder son plaisir car ce gros volume nous rapproche de ces personnages bien connues mais aussi oubliées, et qui ont ceux qui ont marqué le Moyen Age dans tous les domaines possibles, des souverains puissants aux théologiens, en passant par les savants, les voyageurs, les saints de toute natures, les mystiques, les artistes...
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