La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Luc Tuymans, Hélène Cixous, « La vue et le texte », Editions de la différence, 2 vol. sous coffret, 45 €.
Je ne saurais trop me prononcer sur les œuvres de Luc Tuymans. Cela ressemble à trop de choses que j’ai vue dans les galeries, les foires, certaines expositions d’A. C. Certaines toiles intéressantes et d’autres, surtout les plus récentes, pas du tout. Et le tout ne m’inspire guère de commentaires. En revanche, l’essai - le copieux essai - d’Hélène Cixous m’en inspire pas mal. C’est dans l’ensemble un beau texte. Evidemment, on regrette qu’elle n’est pas consacré toute cette belle énergie à nous parler de Rembrandt ou de Manet, ou, mieux encore, de nous faire découvrir un maître mal ou peu connu. Mais qu’importe, elle a pris cet « objet », s’est est emparé avec gourmandise et ne l’a plus lâché. Ce qui est remarquable, c’est sa faculté de reconstituer la démarche de l’artiste qui est intimement liée à son enfance. L’auteur sait merveilleusement relatée cette logique et, au bout du compte, on se passerait volontiers des tableaux dont il est question, et que l’histoire narrée par l’écrivain à partir d’eux est peut-être plus intense, plus belle, plus prenante, plus séduisante ! C’est sans doute un des écueils contemporains de l’écriture sur l’art : l’écriture dépasse souvent la création plastique. Mais ce n’est là, au fond, qu’une revanche bienvenue, car les artistes des nouvelles générations ont considéré que la critique devait être soumise (c’est-à-dire achetée) ou réduite au silence (par dénigrement ou négation de la fonction de ladite critique). Je conseille à toutes et à tous de lire Hélène Cixoux et de mettre en regard les travaux de Luc Tuymans.
L’Art urbain, du graffiti au Street Art, Stéphanie Lemoine, « Découvertes », Gallimard, 128 p.
Ce livre présente plusieurs défauts. Le premier est d’ignorer que le graffiti est vieux comme le monde : les Romains faisaient des graffiti sur les édifices et dans les latrines. C’est d’ailleurs ce qui avait inspiré Cy Twombly pour sa période la plus faste, celle où il incluait des noms et des phrases dans ses tableaux d’une écriture tremblante. Les enfants ont toujours fait des graffiti, comme les amoureux d’ailleurs ! Ensuite, l’affiche a en effet présenté une innovation majeure en introduisant l’art graphique et parfois même l’art dans le paysage urbain. Les affichistes (Villeglé, Rotella, Aeschbacher) ont bel et bien utilisé la publicité imprimée, cet élément omniprésent dans la vie du XXe siècle, pour le replacer dans celui d’un art utilisant les productions et les déchets de la société de consommation. Le Pop Art l’avait déjà fait dans une autre optique aux Etats-Unis. Mais le muralisme des artistes mexicains Rivera, Siqueiros, Orozco), surtout dans les années vingt à quarante, ne semble pas ressortir d’une même problématique. L’architecture elle-même serait du Street Art et le simple passant. Balthus et Hélion ont pris la rue comme sujet, tout comme Utrillo ou Marquet. Bref, là on court le risque de s’égarer tout à fait. En réalité, cette forme abâtardie d’art est apparue aux Etats-Unis (d’abord à New York) au début des années quatre-vingts avec des figures éphémères, dont n’est somme toute demeuré que Basquiat, parce qu’il a fait des tableaux ! Quelques artistes ont exploité cette situation, comme Paul Bloas ou Ernest Pignon Ernest. De jeunes artistes ont ensuite développée la maigre idée d’un signe particulier, peint ou avec d’autres moyens, comme la mosaïque, qui apparaît en de nombreux point de la cité. Mais que pensez de tout cela. En fin de compte, en tant qu’art, assez de peu de choses. Comme phénomène sociologique, c’est l’expansion pharamineuse d’une même forme d’expression dans une grande partie du monde.
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