ID : 93
N°Verso : 68
Les Artistes et les Expos
Titre : Alain Tirouflet
Auteur(s) : par Vianney Lacombe
Date : 24/07/2013



Alain Tirouflet
Œuvres de 1960 à 2009
(avril 2013 Galerie Olivier Nouvellet Paris)

Alain Tirouflet
par Vianney Lacombe

Cette exposition consacrée aux œuvres sur papier d’Alain Tirouflet (1937-2009) commence par un pignon de 1965, au moment où il décide, après ses recouvrements de 1960, de devenir le peintre de sa maturité, et non celui, tâtonnant et influencé, qu’il avait été jusque là. A partir de cette date, le dessin occupe une place centrale dans son travail, et nous pouvons voir que la grande série des acryliques qui se succèdent jusqu’en 1978 montre la mise en espace d’un graphisme monumental, soutenu par des aplats ou des légers frottis qui permettent une vibration de la lumière telle qu’elle existe à la surface du papier. Ces toiles étaient nécessaires pour nous faire comprendre que toute l’œuvre ultérieure de Tirouflet ressortissait à la peinture par sa monumentalité, même si, après 1978, il ne travaille plus qu’avec des crayons sur du papier. Car dans ses toiles de façades et de ports qu’il exécute à cette époque règne un espace parfaitement maîtrisé malgré l’importance du format utilisé, et c’est pourquoi les dessins de Tirouflet ne sont jamais petits, même si leur format reste modeste. Chacun des éléments de la composition mérite l’espace qui lui revient et Tirouflet les accorde avec l’air et la lumière qui les entourent. Ce qui était immense dans le format des peintures le reste à l’échelle du papier. Immédiatement après la série des façades peintes et dessinées, Tirouflet confia à des pommes pour la première fois l’organisation de sa page. La lumière qui était jusqu’ici égale dans tous les points du tableau ou du dessin se dispersa pour recouvrir chaque pomme, tout en se glissant dans l’intervalle qui les séparait, multipliant les rebondissements et les reflets sur ces volumes soigneusement disposés comme des notes de musique à la surface du papier.
Ces dessins lavés à l’aquarelle sont les derniers travaux de grandes dimensions exécutés par Tirouflet, et servent de transition entre les acryliques et les dessins aux crayons de couleur de formats plus modestes qu’il commence à réaliser à partir de 1982. Ces dessins commencés au crayon de graphite se remplissent lentement de couleur, d’un pâle ton local qui va monter peu à peu en intensité, éliminant les contours graphiques des objets pour ne plus être qu’une vibration lumineuse sur le fond, qui n’est lui-même qu’un autre objet rempli d’espace entre les pommes, mais qu’il faut combler d’existence et de présence, ainsi que le premier plan de la table qui supporte tout le reste avec sa nappe à carreaux de la cuisine - à moins que ce ne soit la table de l’atelier de Tirouflet qui serve d’autel à un pot, un vase, des pommes ou des bouteilles qui se recueillent dans un silence qui n’a plus de notes isolées pour le faire vibrer, mais seulement des voix qui le font chanter, une à une, toutes ensemble, à l’unisson du temps suspendu entre les pommes et le papier.

 

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