La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
L’Affaire Beltracchi, Stefan Koldehoff & Tobias Timm, Enquête sur les des plus grands scandales de faux tableaux du siècle, traduit par Stéphanie Lux, Editions Jacqueline Chambon, 240 p., 23 €.
Il faut bien admettre que toutes les grandes affaires de faux tableaux sont de vrais romans d’aventure en plus d’être des romans policiers. Wolfgang Fischer Beltracchi a défrayé la chronique il y a quelques années à cause de la vente publique d’un faux Compendonk. On s’est ensuite rendu compte qu’il s’était fait un réseau de complicité avec l’aide de sa femme Hélène. Les deux auteurs de cette enquête mettent en cause des experts, mais aussi des directeurs de musées, à commencer par Werner Spies, ancien directeur du Centre Pompidou à propos d’un certain nombre de Max Ernst assez douteux. L’intérêt de leur travail est de montrer à quel point le système du marché de l’art est prêt à accepter ou du moins, à tolérer de tels agissements à conditions qu’ils n’ébranlent pas sa crédibilité. Ici, on a découvert un faut Derain, d’autres Compendonk, des Max Ernst en pagaille, un Van Dongen. Mais le faussaires et ses complices ont été finalement assez bien protégés par ce système qui est délibérément opaque et entend bien le demeurer. On comprend bien que les expert ne sont pas fiables pur la plupart et qu’ils sont souvent corrompus. Les analyses scientifiques qui rendent toujours plus difficiles la mise en circulation d’ouvres falsifiées ne mettent pas forcément un terme à une polémique. L’histoire des Beltracchi est édifiante (elle repose sur l’histoire invérifiable d’un marchand de tableau juif allemand et d’un collectionneur lui aussi juif et allemand, qui aurait du fuir leiur pays et dont les bien auraient été en partie vendu et en partie spoliés) et aboutit à un procès qui les condamne très légèrement. Quant aux experts véreux, il ne leur arrive rien ! Ils sont toujours experts et personne ne cherche à en savoir plus. Il font partie du système ! Même Spies s’en tire à très bon compte. Sa réputation n’est même pas entachée d’un soupçon !Le livre est passionnant, mais on y relève un certain nombre d’erreurs et de contre-vérités. L’affaire du blanc de titane n’est pas expliquée de manière correcte : il a été inventé par un Français à Niagara en 1908 et commercialisé en 1909 par une société norvégienne. Il est repris par une grande société en 1919 et est utilisé par tous les artistes par la suite ( et non pas dans les années 30 comme il est affirmé ici). Ensuite, les auteurs tiennent des propos calomnieux à l’égard de Christian Parisot, auteur du catalogue raisonné de Modigliani. Et ils oublient que c’est la galerie Wildenstein qui tient la vedette dans la presse à scandale depuis plusieurs années à cause de la mise en vente de faux, de l’occultation de certaines œuvres et bien d’autres malversations. Ensuite, Jean-Baptiste Greuze n’est pas un peintre rococo (je conseille aux auteurs de lire les Salons de Diderot ! Ils font d’ailleurs d’autres grosses bourdes sur le strict plan de l’histoire de l’art. A lire, c’est passionnant, mais avec beaucoup de précautions !
Naissance de l’art Romantique, Pierre Wat, « Champs Arts », Flammarion, 320 p., 14 €.
Le livre de Pierre Watt sur les débuts de l’ère romantique vient de paraître. Il faut dire qu’il avait choisi un sujet à ne pas prendre avec des pincettes car bien malin serait celui qui serait capable de donner une définition du romantisme français et, ensuite, de l’étendre aux autres nations européennes, surtout à l’Angleterre et à l’Allemagne encore en gestation ! Son mérite principal est d’engendre la discussion. Il n’y a pas une page où l’on ne s’arrête pas pour examiner telle affirmation, telle autre facette du problème. En somme, c’est un livre passionnant car il pose plus que questions qu’il ne peut répondre. Mais s’agit-il vraiment d’un art nouveau ? Quand apparaît-il et quand finit-il ? Ce que les Allemands ont tenté de faire a-t-il quelque chose à voir avec ce qu’on fait les Britanniques ? Pas nécessairement. Et la France ? Une rupture (relative, cf. Théophile Gautier) avec le néoclassicisme, sans doute. Mais au-delà de cela, que dire ? L’amour de la nature, certes, mais cela est déjà dans l’art rococo. Alors quoi ? Pierre Wat nous oblige à réfléchir et à aller le plus loin possible dans cette optique, sans jamais aboutir à un résultat.... Quel rapport établir entre John Constable et William Blake ? Quasiment aucun. Et que vient faire Delacroix, qui ne s’est jamais déclaré romantique ? Enfin, Charles Baudelaire, alors que tout était déjà joué arrive avec sa petite idée derrière la tête. Mais une idée tout à fait idiosyncrasique ! Disons que l’auteur ne s’est pas mal sorti de ce bourbier théorique. Il se fait aidé par quelques vedettes de la philosophie du moment. C’est peut-être son seul vrai défaut. Pour le reste, c’est de la bon ouvrage !
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