La bibliothèque de l'amateur d'art
par Gérard-Georges Lemaire
Dictionnaire, André Breton, sous la direction d’Henri Béhar, Classiques Garnier, 1050 p., 60 €.
André Breton, Georges Bataille, le vif du sujet, Frédéric Aribit, « L’Ecarlate », L’Harmattan, 316 p., 30 €.
Depuis la mort d’André Breton survenue en 1966, le surréalisme n’a cessé d’être être réexaminé. Tout a commencé par l’exhumation de tous ceux qui ont été écartés ou expulsés du groupe par celui qu’on a désigné comme étant son « pape » et qu’on aurait peut-être mieux fait d’appeler inquisiteur ! Antonin Artaud, Georges Bataille, pour ne citer qu’eux, sont devenus l’objet d’adulation et puis des sujets d’études universitaires sans fin. Si l’on veut découvrir l’univers d’André Breton, il faut se plonger dans l’excellent ouvrage dirigé par Henri Béhar, qui est une vraie somme en même temps qu’une encyclopédie extrêmement utile. Breton n’est ici que le moyeu autour duquel tourne des myriades de figures du monde de l’art, de celui de la poésie et du roman, du microcosme du théâtre d’avant-garde et du cinéma expérimental (ou non). C’est le vade-mecum de l’honnête homme qui tient à connaître sur le bout des doigts ce qui a pu se dérouler d’important au XXe siècle dans toutes ces disciplines, car une grande partie de la création de ce siècle, entre la parution du premier Manifeste du surréalisme en 1924 (et même depuis le dadaïsme français après la Grande Guerre), beaucoup de créateurs et de créations ont eu partie liée avec le groupe. Après quoi, il y a eu les dissensions, esthétiques et ensuite, plus graves encore, politiques. Cela, c’est la grande et la petite histoire souvent de ce qu’un groupe d’individus gouvernés par un homme qui voulait s’en assurer le contrôle. Mais ce n’est pas ce qui compte le plus. Avec ce Dictionnaire André Breton, on peut en toute confiance, pour l’essentiel, connaître tous ces personnages qui ont transformé la physionomie de l’art de la littérature et de tous les autres arts, jusqu’à l’art américain des années quarante et cinquante !
Dans cette constellation infinie, un livre vient apporter des éclaircissements sur une relation délicate : celle de Breton et de Bataille. Frédéric Aribit a écrit un long essai sur celle-ci, qui est passionnante. Sans doute, je suis loin de partager ses vues (et aussi sa perspective d’analyse) quand il parle du roman familial et tente de démontrer les fondements psychanalytiques des deux personnages (on sait que pendant leur jeunesse, l’un et l’autre ont n’ont rien lu dans ce domaine et que Breton a lu un livre de Sigmund Freud, d’où la petite relation épistolaire marquée par l’incompréhension du maître de Vienne qui s’en est suivie). Mais c’est un ouvrage sérieux et documenté, qu’il faut butiné et en retirer le miel. Au fond, il faut lui reconnaître une qualité : celle de tenter des parallélismes et des rapprochements d’idées qui ne sont pas toujours justifiés, mais qui peuvent être éclairants. En somme, c’est un livre qui parfois séduit, parfois porte sur les nerfs, mais qui nous apprend toujours quelque chose de passionnant sur ces deux hommes qui n’ont jamais été très proches, mais qui ont navigué souvent sur le même vieil océan.
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