avec le soutien éclat ou éclat
hotel de beaute
ID : 166
N°Verso : 113
L'artiste du mois : Fury
Titre : Qui est Fury ?
Fury par Fury
Fury par Nicolas Bourriaud
Fury par François Michaud
Auteur(s) :
Date : 13/12/2018



Qui est Fury ?
Fury par Fury
Fury par Nicolas Bourriaud
Fury par François Michaud

Qui est Fury ?

Née en 1956 à Paris, Dominique Fury (de son vrai nom Dominique Jeantet) vit et travaille à Paris. Après des études à Sciences Po rapidement abandonnées, elle va passer trois années à New York où elle côtoie les mouvements underground (Factory, William Burroughs, Johnny Thunders…). C’est à cette époque qu’elle prend son nom d’artiste Fury, d’après la fameuse et mythique voiture américaine La Plymouth Fury 56. Dès son retour à Paris, elle devient l’égérie du groupe Bazooka (Kiki et Loulou Picasso, Lulu Larsen…) dans les années 70 avec qui elle s’initie notamment à la sérigraphie.
Artiste révoltée et autodidacte, Fury s’approprie différentes images de notre société de consommation et les traite dans la grande tradition du Pop Art. Fury a toujours cherché le vocabulaire approprié de son époque : « Pour moi, les années 90, c’est d’abord le retour de la couleur » dit-elle après avoir peint des toiles toutes noires dans les années 80. Elle a retrouvé en 1994 Loulou Picasso pour expérimenter avec lui les « tableaux à deux », expérience qu’elle a renouvelée en 1999 avec Waty. Grande manipulatrice d’images, elle invente son propre langage en empruntant à diverses sources et en utilisant différentes techniques : des dessins réalisés à l’ordinateur, des toiles traditionnelles, des toiles composées de tissus industriels, des surimpressions de sérigraphie… Le résultat de ces différents emprunts, de ces différents mélanges, de ces différentes perturbations visuelles est une grande réussite esthétique. Les couleurs, les signes et les procédés de Fury coïncident depuis plus de trente ans avec le meilleur de la culture Pop. Elle fait sienne une phrase de Gilles Deleuze dont elle fut proche : « Quoi de plus gai que l’air du temps ». Ses œuvres ont été exposées dans de nombreuses galeries en France et à l’étranger et se trouvent dans des collections privées et publiques parmi lesquelles la Collection de la Ville de Paris, le musée Rimbaud de Charleville-Mézières, la Seita, la collection Agnès B, la collection Saatchi et la collection Guilbaud.

 

Fury par Fury

Depuis mes débuts, j’utilise la sérigraphie issue du Pop Art. Très rapidement (autour de 1987), j’ai emprunté la bombe aérosol au Street Art afin de la mixer avec ma technique historique. La bombe m’a séduite par sa rapidité d’exécution, sa capacité à reproduire quasi instantanément une image et par la texture gazeuse qui en résulte. Dans mes peintures, cette texture si particulière me permet d’évoquer le numérique, le virtuel des jeux vidéos, Gameuse, Tuer n’est pas jouer.
A l’emploi de la bombe, s’est ajouté le détournement de rideaux en délicats pochoirs narratifs. De ces rideaux que l’on voit aux fenêtres, dans les villages ou les quartiers populaires… Ils sont issus d’une tradition ancienne et très codée de la fabrication des voilages. Par leur vocation décorative, ils figurent une nature pleine de clichés mêlant ruines, princesses, angelots, branches fleuries, oiseaux, fenêtres, perspectives de châteaux, natures mortes, fruits, puits, balcons, clairières… Autant de symboles formant tout un répertoire, toute une histoire...
« J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires… Contes de fées, petits livres de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs ». Arthur Rimbaud
Dans les très grands rideaux, dits panoramiques, je peux à la fois utiliser des paysages finement dessinés avec des arbres très réalistes, des cours d’eau, des ponts, une cascade… Sur d’autres : une chaumière, une route, un puits, des scènes pastorales ou grecques tissés dans des mailles d’épaisseur différentes. Chaque sujet est retenu autant pour ce qu’il figure que pour ce qu’il évoque comme l’emploi de l’allégorie dans l’iconographie du moyen-âge. Avec ce fond, je construis mon décor dans un entremêlement d’images soufflées et sérigraphiées. La peinture projetée dans les mailles des rideaux se transforment en pixels peints qui fusionnent parfaitement avec les points de la sérigraphie.
Les jeunes japonaises entrent en scène : elles sont extraites d’un manuel de dessin dans lequel elles sont photographiées nues dans toutes les positions avec des accessoires. Les poses sont complaisantes ; « je fais ce que tu veux dire sans le dire », mutines, suggestive, tout en maintenant une distance ou une attente blasée. La personnalité des figurantes est perceptible. Ces jeunes filles forment comme une troupe. Amazones, madones, avatars, elles entrent dans mes scénographies comme des acteurs. Et pour chaque composition, je « caste » celle qui aura le rôle principal.

 

Fury par Nicolas Bourriaud

Comme si la peinture pour produire encore sa lueur se devait de raréfier ses rayons et de les enfouir, Dominique Fury, elle, déploie sur de grandes toiles sombres, des paysages cérébraux calcinés et silencieux où les strates noires voilent plus ou moins l’intensité qu’elles couvrent. Quelques silhouettes, quelques regards pris dans la peinture sont à la fois la mémoire et les narrateurs de la catastrophe : la « Série noire » de Fury est un affleurement du désordre et du hasard universels que seule une contemplation attentive restituera à l’intelligence. (1987)

 

Fury par François Michaud

Fury n’a cessé de regarder le monde de l’autre côté du miroir. Enfant punk qui n’a que faire de devenir adulte, elle jette un œil (ou les deux car elle les garde grands ouverts, comme Alice), avec dédain et malice sur ce qui nous paraît clair et trop simple. Derrière, elle voit la destruction telle qu’elle est et la peint sans fard ; elle l’aime même, cette destruction, qui ouvre une faille dans les plaques tectoniques de nos structures artificielles si bien agencées qu’on ne les voit jamais avant qu’elles n’éclatent et ne révèlent la béance, l’inutilité de formes créées pour les machines plus que pour les hommes. Sa révolte est fertile et il ne faut pas craindre d’y mettre les yeux, les pieds, les mains à son tour. Elle nous y invite en riant.

 




 
 
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