Les artistes et les expos
C. Q. F. D. : Jean-Noël Laszlo
par Gérard-Georges Lemaire
A contrario des artistes présentés au sein du pavillon italien de la cinquante-troisième édition de la Biennale de Venise, sous le titre de « Collaudi, omaggio a F. T. Marinetti », Jean-Noël Lazlo peut être considéré comme un authentique héritier du futurisme italien. Qu’on ne se méprenne pas : ce n’est pas un lointain et nostalgique épigone de Giacomo Balla, d’Umberto Boccioni ou d’Enrico Prampolini. Rien dans la forme, rien dans l’esprit et la lettre de son œuvre, ne dérive de manière directe de leurs travaux. Toutefois, des liens secrets et profonds le relient à leur démarche. En premier lieu, son attachement viscéral à la mécanique des avant-gardes du début du vingtième siècle est manifeste – , mais sans rechercher jamais une légitimité dans son histoire ou dans sa légende. Il en adopte les valeurs et surtout la volonté de pousser toujours plus loin les logiques qui apparaissent au fur et à mesure que sa pensée (une pensée à la fois esthétique et critique -, l’une ne pouvant se formuler sans l’autre) va de l’avant pour conquérir un espace encore inexploré de son microcosme. Dynamisme, vitesse, rupture demeurent les principaux moteurs de son art, de son operare, qui requièrent célérité dans la conception et l’expression et, en même temps, une patience infinie, de la lenteur dans la conception et l’exécution et une minutie intense. La tension qui sous-tend sa création exige ce paradoxe.
Sans cette méditation permanente, obsédante et qui étire la temporalité d’une façon démesurée, pas de « vitesse » possible car elle n’est que le moment fulgurant de la cristallisation au terme d’une longue et parfois douloureuse cogitation. Solitaire et appliqué, Laszlo donne le sentiment d’être un artiste replié sur soi. Les apparences peuvent être trompeuses : il entretient des relations avec la terre entière. Et c’est cela qui le rapproche encore des futuristes italiens des années dix à trente : il collectionne la correspondance que des artistes et des poètes lu adressent de toutes parts. Ce n’est pas tant ce que ces derniers peuvent lui dire dans leurs messages qui l’intéresse le plus, mais ce qu’ils ont à lui dire dans des termes purement plastiques sur les enveloppes. Collectionneur passionné sans aucun doute, Laszlo est aussi acteur de ce jeu où tout se joue sur la surface des enveloppes que dans ce qu’elles renferment.
Ce mode de relation épistolaire est devenu un genre baptisé « Mail Art ». autrefois les artistes envoyaient des gravures pour fournir une idée de leur bravoure et de leur style à des interlocuteurs étrangers et souvent inconnus. De nos jours, ils exécutent des œuvres minuscules qui sont en fait un compendium de leur philosophie de l’art. Laszlo, aussi engagé qu’il ait pu être dans ces échanges, ne pouvait en rester là, prisonnier d’un système somme toute déjà codifié et éprouvé. C’est pour ce motif qu’il a imaginé d’autres modalités à sa correspondance. Elle se change alors en des collaborations chaque fois différentes. Elles associent des éléments innombrables, textes et images s’enchevêtrant.
Il a collaboré avec Jean-François Bory, Estelle Schweigert, Jean Soulimant, Gundrun von Mattzan. Fortement impressionné par les « loisirs de la Poste » de Mallarmé, il a éprouvé le besoin de dépasser les termes imposés par le courrier, même s’il a commencé cette réflexion en 1996 avec un hommage à Ray Johnson, le fondateur du Mail Art. Quand il fête ses trente-huit ans, il conçoit une exposition comprenant trente-huit photographies accompagnant le même nombre de textes poétiques écrits à cet effet, soit à côté du document initial, soit en s’y superposant.
mis en ligne le 06/10/2010
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