Monographie
Gregory Forstner, du rififi dans la galerie
par Sophie Braganti
Quand on voudrait, à des fins confortables, orienter les questions sur la présence de soldats allemands de la seconde guerre mondiale dans sa peinture, Gregory Forstner ne nous rassure pas vraiment. Disons que s’il rassure les inquiets sur ses honorables valeurs ou sur ses orientations idéologiques, il ne nous rassure pas sur les orientations que se doit de prendre la peinture selon lui. Le champ lexical de son imaginaire ne cesse de s’emplir de nouveaux référents. En dix ans de travail acharné, de Nice à Brooklyn, il ne cesse de nous montrer ce qu’il dit, à savoir qu’il n’est qu’un peintre. Et que face aux facéties de la faucheuse, peindre pour se faire peur et se faire rire serait selon lui, « la seule parade contre l'incompréhension d'être vivant et de devoir mourir ».

Il développe alors dans son propre vocabulaire pictural, face à une mémoire sans cesse réactivée, un lexique au comique trempé dans l’acide : mascarade, fanfaronnade, pantomime, pantalonnade, caricature, farce, conte, absurde, grotesque, bouffon, mascotte, monstres et quelques noms : Piero della Francesca, Goya, Richard Gerstl, Franz Hals.

Qu’est-ce qui se joue dans la peinture aujourd’hui ? Je ne suis qu’un peintre, dit-il. On le voit sourire avec son regard peppermint qui glace, transperce et tranche. Forstner écrit à ce sujet : Dans le dernier catalogue publié par le Musée de Grenoble et la galerie Zink, j'ai pu davantage que dans les autres approfondir le sens avec mes interlocuteurs, j'ai voulu avoir plusieurs points de vue. Ils ont compris que je suis loin du pathos premier degré, c'est pourquoi je parle du rire de Démocrite, je ne place aucun jugement, le tableau se situe en deçà ou au-delà de cette idée de morale. Tout peut se retourner contre soi, c'est pourquoi je dis cette impression que le tableau bouge dans la nuit. Le lendemain matin on est toujours un autre et on ne ferait pas le même tableau ».

Si ses préoccupations ne sont pas d’amuser la galerie, il ne cherche pas plus à choquer, à délivrer un message. Et s’il nous bouscule, c’est que parfois poésie rime avec hypocrisie, c’est que le monde, la vie nous bousculent. Le jeu de cache-cache peut alors commencer. A moins qu’il ne s’achève. Avec qui dans le rôle du méchant ? Qui dans le rôle du gentil ? Et qui dans le rôle du gentil méchant ? Et du méchant gentil ? A vous de voir. L’abus de couleurs n’est pas dangereux.

mis en ligne le 14/01/2011
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