Dossier Biennale de Venise 2011

Déceptions et découvertes sur la Lagune

par Jean-Luc Chalumeau

mis en ligne le 01/09/2011

L’édition 2011 de la Biennale de Venise est-elle un désastre ? Gérard-Georges Lemaire pense que oui et nous la décrit « à la dérive » avec des arguments de poids. Si Venise reste cependant le meilleur lieu du monde pour s’informer de ce qu’il en est de l’art contemporain, c’est bien grâce à la François Pinault Foundation dont les deux espaces prestigieux, la Pointe de la douane et le Palazzo Grassi, donnent des échantillons spectaculaires de la création plastique internationale actuelle ou récente (je pense notamment à la formidable salle dédiée aux dernières œuvres de Sigmar Polke réalisées avant sa mort, en 2010, dans lesquelles il parvint à la grande peinture après l’avoir honnie dans sa jeunesse). Dans ses innombrables manifestations, la Biennale est loin d’atteindre ce niveau. Au mieux, elle fait timidement écho aux choix de l’impérial Pinault.

C’est ainsi que la commissaire générale Bice Curiger montre quelques photographies de Cyprien Gaillard, dernier élu du milliardaire, qui présente de lui notamment une vidéo intitulée Pruitt-Igoe Falls. Il s’agit de la démolition à l’explosif d’un immeuble de la banlieue de Glasgow en 2008, allusion à un projet utopique de logements urbains à Saint Louis (USA) dans les années 50, Pruitt-Igoe, devenu un ghetto propice au banditisme, finalement détruit par implosion en 1972. Cyprien Gaillard voudrait donc témoigner de l’impuissance de l’architecture moderniste à résoudre les problèmes sociaux, hier comme aujourd’hui. Sa vidéo établit en outre un lien entre la barre d’habitations anéantie, de nuit et éclairée par des projeteurs, et les chutes du Niagara, elles aussi vues en nocturne et brillamment illuminées, réduites à n’être plus qu’une attraction touristique. Echec partout donc. Le temps n’est plus du romantisme des ruines observées par Caspar David-Friedrich : on nous parle ici de la misère du « pittoresque » dans le monde moderne. Je me suis arrêté sur le cas de Cyprien Gaillard (qui a eu droit à une fête en son honneur au Palazzo Grassi le 3 juin, soir du vernissage de la biennale), parce qu’il est présenté par l’équipe de François Pinault, de manière quelque peu péremptoire, comme le meilleur artiste français de sa génération (il est né en 1980). Prenons-en acte et attendons la suite.

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