Le théâtre
Vous voulez rire ?
par Pierre Corcos
mis en ligne le 28/12/2011

         Il nous raconte sa vie, sans aucune complaisance : nostalgie, tristesse, évocation de l'enfance. Puis retour dans le registre des joyeuses vacheries et même des méchantes blagues sur le physique, puisque - cruauté bien ordonnée commençant par soi-même - Guy Carlier s'est déjà copieusement démoli. Et, à nouveau, retour dans l'évocation à la Perec d'un temps révolu... Faire naître un rire de complicité intime, voire tendre, avec son public requiert un savant dosage entre comique et poésie, dans un espace-temps (d'où le titre) clos sur lui-même... Au passage, remarquons qu'un Gaspard Proust, valeur montante du rire actuellement, n'a que faire de ce savant dosage : lui reste toujours adossé à un comique acerbe et venimeux. Ce qu'il convient de retenir, c'est qu'à d'autres catégories esthétiques le comique peut se mixer, et chaque fois sa plasticité fait merveille. Guy Carlier a ainsi subtilement joué avec le pathétique, le poétique, tout en conservant la portée comique de son spectacle.

       Le metteur en scène Michel Didym vient à juste titre nous rappeler (la critique bien-pensante a trop tendance à l'oublier) que les textes comiques, au-delà du charisme sur scène de leur auteur-interprète, de ses pantomimes et grimaces, de sa gestuelle burlesque, demeurent des textes littéraires... Il suffit donc de faire dire par des personnalités physiquement très différentes de l'auteur comique ses textes, pour que l'on se rende compte qu'ils tiennent drôlement bien la route, et qu'on entende mieux encore leurs qualités stylistiques... Les deux comédiennes Christine Murillo et Dominique Valadié n'ont rien à voir avec Pierre Desproges. Leur faire jouer les Chroniques de la haine ordinaire, leur laisser le loisir d'une interprétation différente de ces textes courts et incisifs, c'est parier sur la validité, la solidité de la prose comique. L'expérience fonctionne, et le rire fuse entre les phrases ciselées et les bonnes vieilles figures de rhétorique. Seule difficulté, insurmontable : le comique est marqué par un contexte socio-historique donné; quand ce dernier change, de précieuses références font défaut, et la cible de la flèche comique perd de sa netteté. Ce qui plaide en faveur de la complexité du comique, de la multiplicité de ses variables, et consacre un peu plus, s'il en était besoin, le rire qu'il génère.

Pierre Corcos

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