Les artistes et les expos

Exhibitions, l'invention du sauvage
La représentation de « l'autre » comme enjeu colonial

par Marie-Noëlle Doutreix

Exhibitions, l’invention du sauvage. La représentation de « l’autre » comme enjeu colonial par Marie-Noëlle Doutreix

mis en ligne le 18/04/2012

       La dialectique au sujet des populations colonisées a évolué peu à peu. Si au commencement le « discours de race » était peu structuré, le basculement de cette politique propagandiste au sujet des colonies eut lieu entre 1906 et le début de la première guerre mondiale. De l’autre « sauvage » on parlait désormais de l’autre « indigène », insinuant une idée de « progrès » qui aurait été due aux désormais nombreuses années de colonisation. « L’autre » était davantage présenté comme un artisan que comme une bête en cage, mais l’exhibition n’en était pas pour autant moins perverse.
       L’exposition coloniale internationale présentée à Paris en 1931 est représentative de cette nouvelle façon d’aborder les expositions coloniales comme devant être éducatives, et glorificatrices de la République. L’objectif premier de ces exhibitions n’était alors plus d’amuser les foules à coup de spectacles faussement exotiques, bien que le pittoresque ait été toujours fort présent, mais bien d’éveiller la conscience coloniale des Français. L’affiche de l’exposition met en avant quatre visages d’hommes de civilisations distinctes et clairement identifiables, chacun devant symboliser son propre pays colonisé. Dans l’arrière-plan de l’affiche on perçoit les bâtiments de l’exposition, dont une tour surmontée d’un drapeau français. Le fond de l’affiche est d’un bleu impérial. Sur chaque côté de l’affiche est inscrit « Le tour du monde en un jour ». Ce que l’on pouvait en fait réellement entrevoir en un jour, c’était la vision du monde, emprunt d’exotisme et de préjugés, de l’homme colonisateur.

       Les cultures coloniales se sont bâties dans ces expositions massives, leur considérable portée servit principalement à la justification colonialiste mais finit par devenir aussi un lieu d’enjeux identitaires pour les milliers « d’exhibés », et pour ceux qui habitaient désormais le pays sans y être figurants. Ainsi, lors de la dernière exposition coloniale qui eut lieu en 1958 à Bruxelles, des humanistes Congolais venus à Bruxelles convainquirent les congolais « artisans » présentés au pavillon colonial Congolais de déserter l’exposition afin de ne pas cautionner l’assujettissement occidental. Le village Congolais se vida de ses figurants, les zoos humains avaient perdu leur sens car les humains avaient déserté le zoo. Ce phénomène ajouté au désintérêt progressif des populations envers les ethnies, au début de la fin des Empires coloniaux et lors de la propagation du cinéma, marqua le déclin de ces exhibitions.

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