Dossier Claude Jeanmart
Questionner l'humain Entretien avec Claude Jeanmart
par Daphné Brottet
mis en ligne le 18/04/2012

Je ne connaissais pas Kafka, mais la lecture de cette nouvelle, m’a immédiatement fait comprendre que j’avais trouvé là ce que je cherchais confusément depuis longtemps : un mélange de lucidité implacable, de dérision et d’irrespect pour les conventions, et un mystère permanent qui fait se prolonger l’histoire, dans la tête, comme si elle se transformait en rhizome. J’ai aussitôt entrepris de lire toute son œuvre, et alors les séries de toiles, de dessins, de collages, d’images numériques, de films, se sont enchaînées, dans un jeu de retours, d’enfouissements, de métaphores, sans fin, puisque cela dure depuis 2004. La découverte des Fragments Narratifs, m’a alors conduit à une production très homogène, sur le principe des polyptiques, et des assemblages de photos, de dessins, de collages, sur palette graphique. J’ai en particulier extrait de son « Journal » ce que j’ai réuni sous le nom de Récits Inachevés, et qui sont des bouts de phrases, au plus, quelques lignes, qui font exploser l’imagination comme avec « une cage partit à la recherche d’un oiseau ». Depuis je n’ai pas lâché ce dispositif, et je l’ai réutilisé aussi bien pour les Leçons de Ténèbres, que pour Noir, ou que pour Corps Aveugles.
Accompagné de chasses aux photos, aux objets, aux documents de toutes sortes, ce regard porté sur Kafka m’a imposé un mode opératoire dans lequel je me suis senti particulièrement heureux, et que je considère depuis, comme le creuset dans lequel se fonde mon travail sur les images. Dans les films, j’ai utilisé la même qualité plastique, le même rapport entre la photographie, son complément par le dessin et son altération par les outils numériques.,

Quelle importance accordez-vous à l'écriture, le texte et la littérature dans votre cheminement artistique pour des créations plastiques?
Que vous apporte une narration écrite? Avez-vous déjà réalisé des projets suite à la lecture d'un texte philosophique ou théorique?

Dans mon histoire, c’est plus l’écriture qui m’a choisi, que moi qui ai choisi l’écriture.
Lire Kafka ou lire Capek, c’est pénétrer dans une culture autre, c’est se confronter avec des situations et des personnages nouveaux. Dans mes études j’ai très rarement entendu parler des écrivains et des artistes des pays de l’Est de l’Europe ; le pays le plus éloigné était l’Autriche pour son architecture Baroque. Lire Kafka, m’a conduit à lire d’autres écrivains Tchèques, à mieux regarder les œuvres de Kupka et de Kubin, à plus écouter Janacek. Dans le texte écrit, il y a une rencontre forte, immédiate et nourrissante, par delà l’espace et le temps, qui abolit la disparition corporelle. On peut se réciter un texte, se le déclamer intérieurement, se l’approprier, le réincarner dans sa propre création.

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