Dossier Claude Jeanmart
Questionner l'humain Entretien avec Claude Jeanmart
par Daphné Brottet
mis en ligne le 18/04/2012

Pour votre dernière vidéo, Nouvelles du Protocosme, diffusée lors de la lecture du texte de Gérard-Georges Lemaire qui l’a inspiré, pendant le cycle de conférences Autour de Giacomo Casanova, à Montpellier (septembre 2010), vous avez construit plusieurs séquences de déplacements des corps dans des "espaces suspendus" (eux-mêmes mouvants), des corps dansants, mobiles. Pourriez-vous préciser quel(les) chorégraphe(s) vous interpelle(nt) de manière générale?

Tous mes films sont pensés comme des chorégraphies de corps, de personnages ou d’objets, c’est à dire comme des explorations de l’espace tridimensionnel, même si pour le moment, je n’ai pas accès à la vidéo en 3D ! Depuis très longtemps les spectacles de Merce Cunningham, de William Forsythe, de Philippe Découflé, de Pina Bausch et de bien d’autres, m’apportent une envie de liberté dans l’occupation de l’espace. Car le cadre de l’image est un espace à conquérir, à occuper, à déborder. Ainsi, dans les séries sur Kafka, j’ai été amené à utiliser plusieurs images pour le même moment du récit, images agencées entre elles de façon à échapper au rectangle habituel et à ses limites. J’avais déjà exploré cette façon de composer, il y a quelques années, dans la peinture, dans le travail sur verre ou sur tapisserie. Ceci permet une narration qui se déploie aussi bien vers le haut et le bas, que vers la droite et la gauche, comme une pensée qui prolifère dans toutes les directions.
Dans les films conçus à partir de l’œuvre de Kafka , « Description d’un Combat », l’écran est divisé en quatre parties : un grand carré central, encadré de chaque côté d’une bande rectangulaire et supportant en son centre un carré plus petit,…permettant la juxtaposition d’actions et d’écritures en parallèle. Dans « Nouvelles du Protocosme», l’espace est d’autant plus tridimensionnel, que l’action se passe successivement sur un bateau agité dans une tempête, puis dans une descente vertigineuse au fond de la mer et au delà, au centre de la terre, où vivent des êtres minuscules, jusqu’au moment où les deux héros remontent à la surface, propulsés par une violente explosion…Je me suis donné la liberté de faire se mouvoir tous les personnages dans tous les sens, sans horizon fixe, la tête en bas s’il le fallait au gré du récit. L’usage du fond noir, se justifie par ce séjour au fond de la mer, au centre de la terre, mais il permet aussi de ne pas cerner le cadre de l’image, qui se perd dans le noir du reste de l’écran et de l’obscurité de la salle. J’ai pu grâce au montage numérique, superposer jusqu’à 40 plans et modifier à volonté les trajectoires et la taille et les couleurs des personnages. Si j’avais eu les moyens de le faire, j’aurais utilisé plusieurs écrans, plusieurs projecteurs, et l’action se serait déroulée d’un mur à un autre, sur le sol et sur le plafond, comme je l’avais déjà expérimenté dans les années 90, à Cologne, à la faveur d’un Worhshop, international, organisé à l’Ecole Supérieure des Arts et Medias de cette ville d’Allemagne et dirigé par le chorégraphe Jean-Marc Matos.

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