DVD Du sublime à labject (et Lycée de Versailles) par Guillaume de Boisdehoux Les Contes des Saisons Rohmer, (4 DVD), Opening Quel degré de maturité faut-il avoir atteint pour pleinement apprécier ces chefs doeuvre dÉric Rohmer ? Je nose essayer de deviner. En 2005, alors que le moindre film hollywoodien aligne bandes son et effets spéciaux comme lacheteur(se) de rentrée dans un hard discount de banlieue de province aligne packs de 6 et barres chocolatées dans son Caddie® poussé avec le ventre, ses bras étant devenus trop courts, alors que lexcès de superflu, voire dinutile devient norme, voici quatre films sans une seule note de musique, sans un seul élément de décor artificiel, sans un geste dacteur non absolument nécessaire. Une épure de cinéma, une densité sans pesanteur et une qualité dimage à ce degré sont rares, très rares. Comment peut-on faire du cinéma sans musique? Par les mots. Les dialogues sont exceptionnels. Par les images. Pas la moindre complaisance « pittoresque », alors que bien des sujets sy prêtaient. Par le scénario. Une véritable histoire, pas de rebondissement aussi artificiel quattendu. Aucun acteur connu, pas de star, des décors naturels ou réels (on sent les vraies maisons, pas le contreplaqué). Alors, y a-t-il une leçon ici ? Probablement. Faut-il couper les vivres aux cinéastes pour obtenir de la qualité ? La qualité est-elle inversement proportionnelle à la quantité dargent de la production ? On est tenté de le croire. Jai en tête certains de ces scandales à fric, en particulier Gangs of New York, dont les moyens financiers sont aussi énormes que le résultat est nul. Mais il y a aussi Deer Hunter, Le Parrain et dautres super productions hollywoodiennes très riches et très bonnes ! Donc pas de réponse à linterrogation ci-dessus, sauf peut-être que le cinéma serait, avant tout, raconter une bonne histoire en images. Dès quon sécarte de ce principe, on court à la nullité, quelles que soient les sommes en jeu. Rohmer est un maître dans ces quatre magnifiques films, comme dans ses autres dailleurs. À voir et revoir. Capturing the Friedmans Documentaire, MK2 Editions Quand la presse devient-elle non seulement dangereuse mais néfaste ? Cest dès le moment où la course à laudience prime sur le reste et, bien entendu, ce moment apparaît dès que le média considéré est en concurrence. Sil sagit de presse audiovisuelle, télévision en particulier, lenjeu économique est dune taille tellement importante que, très vite, les scrupules sur la recherche dobjectivité, de mesure, de hiérarchisation de linformation disparaissent. Quand une chaîne de télévision est la propriété dun groupe industriel vendant, au hasard, des armes, on peut imaginer que le groupe propriétaire ne sera pas attristé de voir des informations alarmantes. Une chaîne de télévision appartient à un groupe industriel de travaux publics est chargé par lÉtat, avec largent public, de construire et de gérer des prisons, comment ne pas penser taux de remplissage en même temps que taux daudience? Capturing the Friedmans est lhistoire de la puissance des médias des Etats-Unis. Un homme, père de famille BCBG dans une banlieue de New York du même type, est accusé dactes pédophiles, graves et avec viols, en compagnie dun de ses fils. À peine est-il soupçonné que les cars de reportage, avec antenne émettrice de rigueur, campent devant chez lui. On a trouvé des revues lestes chez le monsieur, mais le service postal local la « piégé» en lui en mettant quelques-unes sous pli. Je suis sorti de ce visionnage dérouté, écoeuré, incapable même de dire si le type est coupable ou non des actes qui lui valent la prison à vie (il sy suicide), sa famille détruite, ruinée, le fils inquiété devant « faire un deal » avec la justice pour limiter son emprisonnement à moins de 50 ans. Les faux témoignages se succèdent, les retournements aussi. Les voisins chargent. Un des hommes les plus influents du monde, limmonde Larry King, sur la chaîne la plus abrutissante, CNN, modèle de LCI et autres France-Info, affirme malgré les dénégations dun professeur qui essaie de lutter contre les rumeurs, des choses dont il ne sait rien. Il a laplomb de celui qui sait que le chèque dun million de dollars par mois (au moins) lattend et quil ne sera jamais contredit. Quon ne parle pas de démocratie quand un tel système médiatique peut non seulement exister mais prospérer. Bientôt chez nous, si pas déjà
Tu Marcheras Sur lEau Eytan Fox, Israélien 2004, TF1 Vidéo Le texte de la couverture du DVD est bien écrit et résume bien ce film. « Eytan Fox parvient à évoquer dans un même film le Mossad, les criminels de guerre nazis, le conflit isréalo-palestinien, lidentité sexuelle, le tout sans jamais être ni
ni moralisateur ». Il manque un mot, caché par le tampon SPECIMEN. Mais tout y est, ou presque, dans ces quelques lignes. Jajoute que les sujets traités ici le sont avec une véritable connaissance dIsraël, du Mossad, de la judéité, de lhomosexualité et de lAllemagne nazie et post-nazie, contemporaine. Action et réflexion, un sans faute. LAsie en Flammes Coffret Documentaire et Livre de S. Viallet, MK2 Editions Kwaï, Saïpan, Nagasaki, Kizu, Les Fantômes de lUnité 273 et Tokyo, Le Jour Où La Guerre sarrêta, sont les films de ce coffret. Je nai pas eu le livre, mais jai regardé quatre des cinq films, qui sont des modèles du genre. Qualité des images et du commentaire, précision historique, tout est au plus haut niveau. Attention, sans mémoire, on refait les mêmes conneries, nest-ce pas Dobeuliou, qui veut imposer la démocratie en Irak mais ne sait pas financer des digues qui tiennent en Louisiane ! Cinéma, de Notre Temps MK2 Editions Lexcellente série consacrée aux hommes et femmes qui font le cinéma que nous aimons continue avec trois films, Ari Kaurismaki, (60 min.) de Guy Girard, John Cassavetes, (54 min.) de André Labarthe et Abel Ferrara : not guilty, (85 min.) de Rafi Pitts. Il ne sagit pas dentretiens ordinaires, mais de véritables films-études sur ces cinéastes, tous de talent, comme les auteurs de ces films. Un livre est joint à chaque coffret et lensemble DOIT figurer dans chaque vidéothèque. Il faut encourager ce type de production, peu commerciale mais si importante. La Foi du Siècle, une histoire du Communisme P. Rotman & P. Barberis, Arte Vidéo Quatre heures, en deux DVD, sur ce sujet unique. Le communisme était lapplication dune idéologie, le socialisme, né de linjustice du capitalisme, de la révolte dindividus refusant dêtre traités comme des choses, comme seulement des outils de production. Je ne prends pas ici position sur « lutopie communiste », mais quil me soit permis de relever que sans les idées qui lui ont donné naissance, il y aurait ni droit du travail, ni congés payés, ni médecine du travail, ni droit de grève, ni sécurité sociale, ni allocations familiales, ni
, ce que Mme Parisot et M. Sarkozy veulent tant supprimer. Reconnaissant que ladite application des belles idées ne fut pas un lit plein de roses, je serai toujours ému de voir lespoir (et triste de le voir déçu) alors que je serai toujours révolté de voir « la conservation armée » lutter contre le même espoir. Rotman, historien et journaliste, devient écrivain et finalement documentariste, avec le succès que lon sait. Barberie, son complice est documentariste à plein temps. Le découpage est historique, une évidence : - 1917-1927 LUtopie au pouvoir -1929-1939 Le communisme et son double - 1939-1953 LApogée - 1954-1993 Une fin sans fins Avec des images darchives bien restaurées et un montage assez mesuré pour ne pas trop choquer lhistorien à qui ne sadresse PAS ce travail, la neutralité est néanmoins impossible et lexigence de laccessibilité interdit quelquefois au commentaire une finesse souhaitable. Rendre accessible ce sujet est difficile, cest réussi. LAffaire Loiseau, le Sixième Homme Fabienne Godet, Le Petit Bureau Malheureusement, ce DVD nest pas disponible. Mon collègue chroniqueur Simon me la donné, après sa rencontre avec Dominique Loiseau, ce flic de lantigang qui a passé quelques années au trou aux seules fins de ne pas remuer trop violemment une pétaudière assez gênante, les flics ripoux du Quai des Orfèvres qui font paraître les bons Noiret et Lhermitte bien gentils. Diffusé sur une chaîne câblée, 13ème Rue, dédiée au« polar », ce documentaire est très prenant. Voir danciens flics, dont certains recyclés dans la presse (E. Young à France-Inter par exemple) affirmer haut et fort linnocence de Loiseau, dénoncer lacharnement dont il est victime et quil lempêche dobtenir ce diplôme de skipper professionnel parce quil a toujours un casier judiciaire, tout cela est troublant, pour ne pas dire plus. Finalement, quel besoin de voyager loin pour rencontrer des pratiques de république bananière
Le quai des Orfèvres est tout près de la rédaction de Verso. Le Dirigeable Vol Karel Zeman, Editions Montparnasse Voilà le type de film quon ne sait où classer, tant sur les étagères quau sein daune chronique. Animation ? Pas totalement. Film denfant ? Non plus, jai aimé et ai passé lâge de lenfance (de peu !). Cest un film magique, au beau sens de ce terme, on pense à Méliès. Grand ou petit, le plaisir est présent à chaque image. Police District 6 épisodes en un coffret 2 DVD XIII Bis Records Dist. Gaumont Ne nous trompons pas. Aujourdhui, en France et ailleurs, on lit très peu de livres, on regarde peu de films, on ne va ni au musée ni dans les expositions, mais on regarde la télé. Et on dévore des séries, américaines pour quatre-vingt-dix pour cent. Ladolescent français « moyen », et sa femelle, nayant pas assez vu les « soaps» américains (financés autrefois par des fabricants de savon) à la télévision, les regardent à nouveau en DVD. Des séries pour Q.I. proche de celui de la tulipe en fleur (0,23) sont rééditées en imposants coffrets quun gosse riche achète et duplique, sur son graveur, pour les copains. Des journées entières se passent ainsi, joint circulant entre les gosses à jean taille ultra basse et front encore plus bas. Mais dans les séries, certaines sortent du lot. Tout nest pas au niveau minable de Friends ou équivalent. Cest le cas de Police District, une série française. Le découpage du scénario, calibré pour laisser lespace aux publicités, est une des contraintes les plus évidentes et les moins remarquées de la « création » pour chaîne de télévision commerciale : faire coïncider les moments dramatiques avec lheure des coupures, faire tenir une histoire en 52 minutes qui seront découpées en quatre fois treize, au mieux. Voilà comment on calibre des cerveaux. Cest ce que fait aussi Word, le logiciel de traitement de texte qui prépare les pages et pousse à écrire en respectant ce découpage. Cest subtil ici, il faut le chercher pour le remarquer. Dans tout film, quel quil soit et jen ai parlé en début de cette chronique, il y a lhistoire quon cherche à raconter. Hugues Pagan est un auteur de livres noirs que mon ami Simon a maintes fois loué dans cette revue. Japprends dans le dossier de presse quil est lui-même ancien flic, tout comme Olivier Marchal, allons bon, la police deviendrait un Conservatoire dArt Dramatique ! ? Mais que fait Sarkozy? (qui ?). Quand on na pas la télé, on peut donc voir, avec plaisir, cette série, créée et jouée par les spécialistes nommés et dautres. La beauté plastique des « fliquettes » ma même donné envie dentrer dans la police, mais pas longtemps
Cest loin des Cinq Dernières Minutes, certes et il faut faire très attention pour suivre, mais ce doit être ma faible fréquentation du petit écran qui me fait manquer, de temps en temps, une réplique. Et il y a largot, alors là je vous dis pas, une vraie leçon. Bon, mais cest rapide, nerveux, assez bien filmé pour ne pas sembler sortir dun écran cathodique bas de gamme et ça se tient. Cest, en tous les cas, bien moins convenu (le « venu » est-il de trop ?) que LAPD ou Hill Street Blues, séries du même type US. Dr. Mabuse Fritz Lang, MK2 Editions Critiquer Fritz Lang reviendrait, pour un chroniqueur littéraire, à nous faire part de son émoi à sa découverte dun livre de Dostoïevski, par exemple, ou de Balzac, il y a des limites à « se foutre du monde» que je ne franchirai pas. Mais je fais le pari que, si tout le monde « connaît » ce film, très peu sont ceux qui lont vu. Il doit en être dailleurs de même pour tous les classiques, peu importe. Alors, il ny a pas dexcuse pour découvrir, ou redécouvrir, ce Dr. Mabuse. La restauration est splendide et il est difficile de ne pas voir les deux DVD lun à la suite de lautre, cest magnifique. Guillaume de Boisdehoux © visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé - |
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