Verso#31

CINEMA : L'exception culturelle française
Exception culturelle et résistance : la preuve.
Portraits croisés : Marin Karmitz et Thibault de SaintPère MK2 et ONE PLUS ONE
Par Guillaume Boisdehoux

La France est LE pays de l'exception culturelle et il faut en être fier ! Sans la lutte contre une forme d'impérialisme culturel, il n'y aurait plus de cinéma français. Impérialisme culturel ? M. Jack Valenti, le patron du cinéma américain, lors des discussions de 1995 pour le GATT, déclare à un auditoire français : Vous faites de merveilleux fromages. Continuez. Et laissez nous, seuls, faire des films. A la même date, répondant à un délègue français qui lui disait : Vous produisez déjà 95 % des films du monde occidental, que voulez-vous de plus ? Valenti : 100 %, of course (éclat de rire). Ceci n'est pas une idée récente. En 1935, rapporte Sadoul dans son Histoire du Cinéma, l'industrie cinématographique etait jugée stratégique pour l'imposition du modèle de vie américain au reste du monde et les exportations de biens américains. Cela fait tres longtemps que Hollywood est le premier poste a l'exportation des Etats-Unis. En 1947, l'octroi du Plan Marshall à la France fut soumis a l'ouverture inconditionnelle des salles de cinéma françaises aux films américains avec doublage. La France, en 1947, avait faim.

La résistance française irrite, mais les lois de notre pays, l'existence du CNC en particulier, sont nos seuls outils pour continuer à faire des films. Si l'ouverture des frontières et un commerce libre ne sont pas, a priori, une mauvaise chose, tous doivent jouer selon les mêmes règles. Or les studios américains, en refusant de doubler les films français, les condamnent aux 3 salles d'art et d'essai par Cote aux Etats-Unis. C'est la même méthode que la fameuse Loi 301 ~ autorisant le Congres a multiplier les taxes d'importation de produits qui gênent, pour un temps, tel secteur de l'économie américaine.

Marin Karmitz et Thibault de Saint-Pere, respectivement patrons de MK2 et One plus One, ont fait ce choix d'une résistance ACTIVE, pour un maintien du cinéma indépendant, et pas seulement français d'ailleurs. Le cinéma américain indépendant est souvent tres bon. Ils méritent, au moins, un portrait croise dans ces colonnes, d'une part en raison de leur activité d'éditeurs de DVD, d'autre part parce que leurs parcours, les ressemblances et les différences qui les unissent, montrent que cet esprit d'indépendance continue.

Marln Karmitz est né en 1938 en Roumanie et émigre en France en 1947. Diplôme de 1'IDHEC, il a été l'assistant de cinéastes tels que Jean-Luc Godard, Agnès Varda, Jean-Charles Tacchella et Pierre Kast. En 1964, il réalise son premier court-métrage, Nuit noire a Calcutta, d'après un texte de Marguerite Duras puis son premier long-métrage en 1968, Sept Jours ailleurs, avec Jacques Higelin. Les avènements de mai 68 lui inspirent deux films : Camarades (1970) et Coup pour Coup (1972). (Voir les critiques de ces films plus loin.)

En 1971, Marin Karmitz crée sa propre structure de production, MK2, y adJoint une structure de distribution et développe un réseau de salles à Paris, dont la première, le 14 Juillet Bastille, est inaugurée le 1er mai 1974.

La Palme d'Or pour Padre Padrone des frères Taviani au Festival de Cannes 1977 et le Prix d'Interprétation décerne à Michel Piccoli et Anouk Aimee pour Le saut dans le vide de Marco Bellocchio à Cannes en 1980 confirment le concept de cinéma de qualité défendu par MK2.En 1982, à Cannes, cinq films produits et distribues par MK2 sont primes, dont la Palme d'Or pour Yol, du réalisateur turc Ylmaz Gùney.

Parmi les principaux films produits par Marin Karmitz: la trilogie de Krzystof Kieslowski (Trois couleurs: Bleu, Blanc, Rouge), les douze derniers films de Claude Chabrol (Poulet au vinaigre, Inspecteur Lavardin, Masques, Madame Bovary, Betty, Une affaire de femmes, L'enfer, La cérémonie, Rien ne va plus, Au coeur du mensonge, Merci pour le chocolat, La fleur du mal). Citons également: I want to go home d'Alain Resnais, Petits frères de Jacques Doillon, Gabbeh, Un instant d'innocence et Le silence de Moshen Makhmalbaf, La pomme de Samira Makhmalbaf, Le vent nous emportera d'Abbas Kiarostami, Signs & Wonders de Jonathan Nossiter, Code inconnu de Michael Haneke, la coproduction de quelques films des frères Taviani (La notte di San Loreuzo, Kaos, Good morning Babilonia), de Au revoir les enfants de Louis Malle et de L'apiculteur de Theo Angelopoulos.

Marin Karmitz a présente à Cannes l'année dernière La pianiste de Michael Haneke, avec Isabelle Huppert, Annie Girardot et Benoit Magimel, qui a obtenu le Prix de la Meilleure Mise en Sten et les deux Prix d'Interprétation. Isabelle Huppert a été sacrée pour ce film Meilleure Actrice Européenne aux European Academy Awards. Voir critique du DVD plus loin.

Le programme de production MK2 pour 2002 a été particulièrement riche et cosmopolite. De l'Amérique a l'Iran du Bangladesh à la France, de la fiction a l'animation, Marin Karmitz a prolonge sa collaboration avec des réalisateurs fidèles et s'est ouvert a des nouvelles rencontres cinématographiques.

Marin Karmitz a produit et coproduit plus de soixante-dix films, en a distribue plus de deux cent cinquante et a Cree un circuit de neuf complexes cinématographiques à Paris. À ce parc s'ajoute depuis février 2003, un magnifique complexe de quatorze salles, dans le XIIIe arrondissement, le MK2 Bibliothèque ainsi que le MK2 Quai de Loire, sept salles face au MK2 Quai de Seine, dont l'ouverture est prévue a l'automne 2003.

Cette année aussi a été celle du lancement de la collection Chaplin, dont Karmitz avait annonce l'acquisition pour le monde du catalogue à Cannes 2001. Cannes 2003 verra la version restaurée, image par image, des Temps Modernes, dont le DVD est sorti en juin 2003 avec aussi les Feux de la Rampe et la Ruée vers l'or. Ici, pas de trace d'anti-américanisme, mais Chaplin etait reste citoyen britannique.

On voit ici l'intégration verticale tres réussie de tous les métiers du cinéma chez Marin Karmitz, de la production a l'édition en DVD. Qu'on en juge: MK2 ouvre le complexe de 14 salles à la Grande Bibliothèque en même temps qu'il sort le dernier Chabrol sur les grands écrans, un coffret Resnais (classique), les trois films qu'il avait réalisé et cinq films iraniens en DVD. Tout cela est fait avec méthode, ordre et passion de la part de Marin Karmitz, son fils Nathanael qui s'occupe de l'édition, son service de presse irréprochable.

Sortir 5 films de Resnais, un des plus importants cinéastes du monde et, en même temps, 5 films iraniens, inconnus ou presque, voila ce qui force l'admiration chez MK2 Editions.

Plus jeune et n'ayant pas encore accès au même catalogue, One Plus One n'a pas, mais ca viendra bien un jour, les moyens de MK2. La démarche est néanmoins tres proche. Qui est Thibault de Saint-Pere, son patron ? Un jeune homme, il n'a que 36 ans.

De 1989 a 1992, il est assistant réalisateur et directeur de production sur plus de quarante films : fictions, clips, publicité. En 1992, il crée Monde Ouest Productions, une société de production documentaire et publicitaire, ou il produit une trentaine de films. L’année 1996 est marquée par une prise de participation chez Monde Ouest Multimédia - Société de conseil en communication multimédia.

En 1997, il cède Monde Ouest Productions et sa participation dans Monde Ouest Multimédia, ayant crée, en 1996, Bande à Part Productions, producteur associe sur 30 courts-métrages dont deux mini-séries - 50 sélections festivals, plus de 15 prix, trois longs-métrages, Du Vent sur la piste écrit et réalise par Frederic Joffre avec Bruno Solo, Thierry Fremont, Princess Erika, Jean-Claude Bourbault. Tournage en Juillet-Aout 2003. (France 2 - Multithematique - CNC... Paimboeuf un film écrit par Christian Sonderegger, Serenella Converti et Bernard Granger, réalise par Serenella Converti. Une coproduction Italienne avec Harold Films. Tournage prévu au Printemps 2004, sélection au festival Méditerranéen de Montpellier, aide du CNC au développement de films de long-métrage. Avec le soutien de la Procirep et Le monstre sacré écrit par Yvon Marciano avec la participation d'Olivier Gorce et de Michel Alexandre. Réalise par Yvon Marciano.

En Octobre 2001, c'est la création de One Plus One, structure dédié au négoce de droits audiovisuels et a l'édition vidéo. One plus One défend les couleurs d'un cinéma éclectique avec cette idée de participer à l'émergence des nouveaux talents du cinéma.

Avec plus de 200 titres, One Plus One est la première société indépendante française de ventes de courts-métrages. L'animation tient une place importante (plus de 50 films), avec notamment les films de SUPINFOCOM, dont One Plus One est le distributeur exclusif. One Plus One travaille avec la télévision et fournit plusieurs heures de programmation (pour exemple : TPS - La Caze, Série Club - Chacun son court, TEVA, TV5, AB...).

One Plus One développe une activité de ventes de longs-métrages sur le territoire français, pour lequel elle acquiert les droits de films et de téléfilms étrangers.

Proche des chaînes de télévision françaises, One Plus One leur propose les films qui correspondent au mieux à leur programmation. Nous investissons largement sur des process qui facilitent la vie de nos acheteurs (base de données, kit presse promo, mesure comparative d'audience,...) dont certaines informations sont directement consultables via Internet avec accès sécurise.

Distribuant les courts-métrages de jeunes réalisateurs français, One Plus One suit leur passage au long-métrage, comme vendeur international. Nous développons ainsi des relations durables avec des producteurs et des cinéastes, avec une attention toute particulière pour la promotion de ces films sur les principaux marches internationaux.

-pres des expériences dans la vidéo (VHS) avec Le best of du court-métrage en 15 volumes, en collaboration avec la FNAC et Studio Magazine, et Nuits Américaines une collection de 24 long-métrages américains en co-édition avec Sony Music Vidéo, One Plus One détient un catalogue vidéo d'une quarantaine de films cinéma. Fort d'une vingtaine de sorties annuelles, nous valorisons notre catalogue par la production régulière de bonus exclusifs (documentaire, interview, version intégrale des films...).Dote de notre propre cellule de commercialisation One Plus One est référencé sur l'ensemble du réseau spécialiste et multi-specialiste (Virgin, FNAC, GibertJoseph), GMS, traditionnel, VPC et institutionnel. Nous développons également notre présence à l'étranger sur la plupart des territoires francophones, en Belgique, au Luxembourg, en Suisse et au Canada.

Les catalogues Découvertes (MK2) et Cine Talents (One plus One) témoignent du même souci de défendre des petits films qui, au moment de leur sortie sur les écrans, ont pu être écrases par un ou deux mastodontes qui achètent 1000 écrans chacun (Harry Potter, et un navet II, par exemple). Ces films, on en a un peu parle, un ami vous en a recommandé un ou deux. Le temps de réagir, ils ne sont plus à l'affiche.

Chez Karmitz, il y eut, dès le début de sa carrière, le souci de pouvoir montrer des films, et en V.O. Karmitz vécut également le rejet des distributeurs de ses propres films, pour militantisme trop évident. Gageons que One plus One y viendra un jour, avec une ou deux petites salles qui feront leur métier : passer ce que les autres ne passent pas. Il

Dans le système numérique dont le DVD est l'ultime chaînon, avec les cameras DV qui coûtent moins de dix mille euros alors que personne ne peut acheter une 35mm, avec la disparition du prix de la pellicule et de son développement, du coût des tirages positifs, nous allons peut-être assister a une renaissance du cinéma libre, indépendant.

Mais la vigilance est indispensable. La vision américaine de ce progrès est d'imposer une distribution sans support, par un Internet extrêmement rapide, a des salles en réseau. Les coûts d'équipement de ces salles sont tels que seuls les studios américains pourraient les assurer et Hollywood contrôlerait alors 100 % du cinéma mondial car les deux derniers pays producteurs ne faisant pas partie du système occidental, l'Egypte et l'Inde, verraient leurs productions disparaître.

MK2 dans sa dernière ouverture de salles a la Grande Bibliothèque, à équipe toutes les salles pour projeter en numérique, mais n'est pas un robinet supplémentaire de la source unique américaine.

Il nous a paru intéressant à s'attarder sur ces deux aventures, celle de MK2 et de One plus One qui a leur manière et en des temps différents témoignent toutes deux d'une vraie passion et d'un bel esprit de résistance qui est tres proche de nos conceptions.



La Pianiste,
de Michael Haneke avec Isabelle Huppert, Annie Girardot et Benoît Magimel MK2 Edition
Un rôle des plus difficiles et exigeants pour une Isabelle Huppert magistrale, comme d'habitude. Récompensée a juste titre pour sa performance, Huppert mérite parfaitement le titre de meilleure actrice européenne qui lui a été décerné. Je suis tente de dire, compte tenu de l'absence actuelle d'actrice américaine (à part Glenn Close peut-être), que Huppert est la meilleure actrice au monde. Annie Girardot peut accepter, et même se faire un allie, de son age. Elle est magnifique. Quant au jeune Benoît Magimel, il promet. Le fils est dur, violent comme les créateurs autrichiens savent être violents, dans ce pays un peu étrange. La musique règne en maîtresse tout au long du film, dans ce qu'elle a de beau, d'exigeant, de cruel aussi. Le bonus est passionnant, on y voit Huppert en post synchro, au travail, sans masque, quelle professionnelle !

Under the skin,
de Carine Adler, 1999,
avec Samatha Morton, Claire Rushbrook, Rita Tushinghanm, Christine Tremarco, Stuart Towasend, MK2 Edition
Angleterre, une fille, sa mère qui meurt, sa sur qui est mariée et enceinte, ses amants, sa dérive identitaire. Comment devenir adulte dans un monde où ce sont des gamines de 12 ans qui vous volent un sac a l'arraché ? Tres beau film, le réalisme anglais dans ce qu'il offre de mieux.

Beautiful people,
de Janmin Dizdar, 1999, avec Charlotte Coleman, Dany Nusabaum, Gilbert Martin, Roger Sloman, MK2 Editions
Un Serbe et un Croate, en Angleterre, en 1993, au moment d'un match de qualification de la Coupe du Monde de football. Prenons deux contextes conflictuels, celui de la guerre de l'ex-Yougoslavie et celui du foot, deux ennemis intimes, le Serbe et le Croate, et c'est pire que chez les Corses ou les Sardes (je me couvre, on ne sait jamais), ca dure des générations ces haines et l'on ne sait même pas pourquoi on se déteste tellement, quant au foot, on connaît I Mélangeons tout ceci dans une Angleterre dont la population immigrée est plus importante qu'ici, et qui a, comme partout, ses problèmes de vie moderne et quotidienne, assaisonnons avec l'humour acquis ou développe par ce cinéaste qui vit Outre-Manche et nous nous régalons.

Fatherland,
de Ken Loach, 1987, avec Geraf Pannach, Fabienne Babe, Christine Rose, MK2 Editions
Un fils, chanteur celebre, quitte la RDA pour la République Fédérale Allemande, grâce a une maison de disques américaine qui se sert de lui, en parfaite entente avec la CIA, pour enfoncer le bélier dans ce Mur. Arrive en RFA, il ne signe pas ce contrat et part a la recherche de son père, dont il découvre que c'est un ancien nazi réfugie en Grande-Bretagne. Réalise avant la Chute du Mur de Berlin, ce film rappelle une période à la fois si proche et si lointaine, faisant penser à ce mot de Churchill, je crois disant qu'il aimait tellement l'Allemagne qu'il préférait en avoir deux qu'une seule I Cette réunification, etait elle motivée par le goût de la liberté ou l'envie de fric ? Encore un film comme j'aime, qui pose des questions dont les réponses ne peuvent pas être simples, ce n'est pas noir et blanc.
On devine déjà le futur tres grand Ken Loach.


Coffret Resnais,
Mon Oncle d'Amérique, 1980,
La Vie est un Roman, 1983,
L'amour a mort, 1984, Melo, 1986,
l want to go home, 1989,
MK2 Editions

Au même titre que Truffaut, on ne critique pas Alain Resnais ! Je m'en abstiens donc avec bonheur, dans tous les sens du terme, ayant aime chacun de ces films du plus intellectuel des cinéastes dits de la Nouvelle vague. Inventeur d'une narration différente , Resnais est un passionne, un chef de bande aussi qui cache bien sa passion sous un abord extrêmement réservé. Les mêmes acteurs, souvent, dont on peut voir la maturation, c'est délicieux !

Indispensable dans une DVDtheque digne de ce nom, ce coffret offre un passionnant entretien récent, sur image fixe, avec un Alain Resnais dont on ne peut qu'admirer la conscience des évolutions du cinéma, l'intelligence et la volonté de créer. Les autres intervenants des bonus sont les acteurs de sa bande, le décorateur Jacques Sauluier ou le scénariste Jean Gruault qui, tous, montrent la méthode Resnais qu'ils ont, magnifiquement chacun, servie.


CINE TALENTS, ONE PLUS ONE

Dix films, dix régals : le choix de One plus One est d'un tres grand niveau.
On the run avait été critique dans le numéro 28 de Verso Beijing bicycle et Suzhou river dans le numéro 30.

Happy accidents,
de Brad Anderson, 2000, avec Marisa Tomei et Vincent d'Onofrio, One Plus One
New York comme le filmaient quelques réalisateurs avant le TRES GRAND spectacle. Une NY intimiste, sympathique même, ce qui est rare. Une jolie histoire d'amour (il n'y a que ca de bien finalement, les histoires d'amour !) entre une jeune femme tout à fait normale à NY, c’est-à-dire avec psy, copines déjantées, boulots ephemeres etc... et un type qui semble être venu d'ailleurs. C'est le cas, il vient du futur, de 2470 a peu pres. Ce voyage en arrière n'est pas sans quelques effets Drôles, tendres, sympas. Un tres bon moment.

Un 32 ème Août sur terre
(Bill Gates me dit, par le correcteur d'orthographe de Word, "32eme : Ce jour n'existe pas pour ce mois"! J'ai envie d'essayer avec février ...) de Denis Villeneuve, Canada, 1998, avec Pascale Bussieres, Alexis Martin, Richard S. Hamilton, Serge Theriault,
Emmanuel Bilodeau. One Plus One
Si le son avait été de meilleure qualité, mais on s'y fait vite, voici un film qui marque dans le sens ou, longtemps après l'avoir vu, des scènes reviennent, sans qu'on sache bien d'ou elles viennent d'ailleurs ! Faire un enfant ! Rien de plus simple en apparence. Des millions d'entre nous, des centaines de millions, sont le fruit d'un acte dans lequel il n'etait absolument pas question de faire un enfant. Quand c'est l'idée, la seule idée, les problèmes surgissent, inattendus ici, avec un humour québécois que j'aime (une allumeuse là-bas est une "agace pissette", c'est joli, non ?).

La faute à voltaire,
de Abdellatif Kechiche, 2000, avec Elodie Bouchez, Sami Bonujila, Aure Atika, I Bruno Lochet, One Plus One

"Encore un film sur l'immigration !" est-on tente de penser dès les premières images et, en ce temps, on... doute. Et voici aux antipodes de la production habituelle sur le sujet, encore un pur bijou, une histoire pleine de tendresse, de rire, d'humour, de joie de vivre, d'un esprit "intégrateur" a l'extrême ...

Les petites couleurs,
de Patricia Plattuer, 2001, avec Anouk Grinberg, Bernadette Lafont, Philippe Bas, One Plus One
C'est un film qui, alors que j'écris ces lignes plusieurs semaines après l'avoir vu, me donne un sourire total de contentement. Un rêve de poésie, de tendresse, d'amour. Les couleurs sont extraordinaires ! Grinberg, Lafont et Bas jouent magnifiquement cette simple comédie réaliste, pleine de trouvailles et de talent. Et c'est un film qu'on a raté sur les grands écrans !

Betelnut beauty,
de Lin Cheng-Sheng, 2001, avec de nombreux acteurs chinois One Plus One
Taiwan, pour les autorités continentales, fait partie de la Chine éternelle. Pour plus de réalisme, Taiwan est la puissance économique énorme d'une petite île a cote d'un géant continental dont elle finance et contrôle d'innombrables industries. Taiwan ressemble, jusqu'au claquement des pneus de voiture sur les dalles de bétons des autoroutes, a n'importe ou aux USA. Taiwan a été fabrique par les USA au temps de Mao et Tchang Kai Chek. Ce film n'est pas politique, mais on y voit ce que la Chine peut devenir, ce qu'elle devient de plus en plus vite. Une belle histoire, celle d'une rencontre, dans un monde domine encore et toujours par le fric et ses scories, dont les mafias.

Shower
One Plus One,
j'ai égare la pochette du DVD I La scène d'ouverture m'a fait éclater de rire I Je projetais, depuis longtemps, trop longtemps bien entendu, d'ouvrir, dans chaque grande ville du monde, des douches à la Decaux, automatiques, dans lesquelles les vêtements seraient nettoyés et rendus a la fin de la douche. C'est ce que nous offre le réalisateur ! encore une idée perdue. Mais il y a aussi le vieux Pékin, celui des bains publics traditionnels, voue à la destruction pour y mettre des gratte-ciel, des bureaux, encore des bureaux. Et là, on voit un père et ses deux fils, l'attarde qui est reste avec lui et le brillant qui est venu prendre des nouvelles et c'est une tres belle histoire. Tres belle réalisation.

Pain, tulipes & comédies,
de Silvio Soldini, 2000, avec Licia Maglietta et Brono Gauz, One Plus One
Les destins, par définition, basculent sur un accident, un incident ! Ici, c'est celui d'une épouse italienne moyenne, qui fait aussi la comptabilité de son beauf, de mari entrepreneur en sanitaires qui est oublié sur une aire d'autoroute lors d'une excursion en autocar. Ceux qui connaissent un peu l'Italie en ont subi, à la télévision, les heures de télé achat. Et bien, dans le -car, il y a un vendeur !!! Ce film est un délice, comme un amaretto artisanal. La finesse de l'observation le dispute à la vigueur des dénonciations d'une société qui, alors que le peuple italien est probablement le plus fin au monde, est devenue une société entièrement aux mains d'un Berlusconi. Une merveille...

Les Beach Boys,
1985, de Maleom Leo, DVD9
Difficile pour ce DVD, comme ce le fut pour le groupe éponyme (j'aime bien, ca fait France Culture) de lutter contre la sortie en DVD de l'anthologie des Beatles I Mais c'est justement ce qui est intéressant, ce combat inégal entre le fruit de la volonté d'un père ambitieux pour ses enfants, les Beach Boys, en faire des stars du rock'n roll parce que ca rapporte, selon l'éthique américaine et la rencontre a la fois fortuite et évidente de deux auteurs compositeurs géniaux, Lennon et McCartney qui jouent par plaisir et savent faire un groupe de quatre amis qui révolutionnent la musique, et peut-être aussi sont les vrais initiateurs des mouvements des années 1968-70, les Beatles.

Le film sur les Beach Boys est tres intéressant parce qu'il montre la mise en place d'une machine, d'une production au sens de celle d'une industrie, à partir des mêmes trois accords qui firent le blues et le vrai rock. Finalement, il n'y a que le génie de Brian Wilson, malade paranoïaque, qui sort les garçons de la plage de la médiocrité affligeante de leurs premiers titres. C'est à partir de Good Vibrations, dont les Beatles seront jaloux jusqu’à Sergent Pepper's, que ce groupe devient intéressant et, commence à mourir, puisque le créatif, le seul compositeur, se mure dans sa chambre d’où il ne sort plus. C'est aussi là le mérite de ce DVD que de montrer, sans fard aucun, sans béatification, le destin de ces gosses qui, ayant tout trop vite, ne trouvent que la drogue pour exister. Ils en crèvent.

Pour tous ceux que ces années ont marqué, et qui ont aimé Barbara Ann et Good Vibrations, indispensable. Tres bien réalise.

Beatles Anthology,
Coffret 6 DVD
Le pave annonce et sorti le 1er avril, comme la plus belle blague de ce jour ! Et l'auteur de ces lignes se revoit, il y a plus de trente ans, lorsqu'on annonçait un nouveau Beatles ! Il Fallait sécher les cours, faire la queue devant le disquaire de la ville pour être un des premiers a l'avoir. Et oui, je suis aller acheter, avec mes sous, le coffret dès le mardi 1er avril et je ne suis pas prêt d'oublier la nuit blanche qui a suivi. J'ai d'abord été tres agréablement surpris par le faible prix de la chose, moins de 70 euros chez Gibert, bravo. Que le monde entier se repaisse de ces heures de musique, de rire, de bonheur. Comme dit McCartney qui est ces jours-ci a 62 ans, en tournée mondiale, quand on regarde toutes ces années et toutes ces chansons, il ne fut que question d'amour !

Fabio Montale,
Jose Pinheiro, Warner Vision France
A l'annonce de la sortie de ce film (il faudrait trouver un autre mot) sur TF 1, nombreuses furent les réactions mettant en doute la capacité de Monsieur Alain Delon a incarner le magnifique personnage crée par le grand et trop tôt disparu Jean-Claude Izzo, auteur des trois livres Total Kheops, Chourmo et Solea ayant servi de base a ce programme de TF1. Nous verrons combien ces doutes etaient, pour le moins, justifies.
Izzo, a qui l'on demandait son avis sur l'acteur qui devait devenir Montale, répondit modestement qu'il ne lui revenait pas d'imposer son choix, tant que ce n'est pas Delon ! D’après la même source, j'ai appris que Delon, a la lecture du scénario, déclara : Je ne jouerai jamais ce gaucho ! Izzo mourut avant ça et je ne suis pas le seul a penser qu'il serait mort de voir ce qu'on a fait de son œuvre, cette soupe qui fut servie en trois épisodes aux ménagères de moins de 50 ans et a leurs familles par l'égout qu'est TF1. Delon, ayant besoin de rajeunir son image, joua, pour notre malheur, le rôle.

Quand il m'arrive encore de questionner mon choix, partage par moins de 2 % des foyers français, de ne pas avoir la télévision, un bref séjour dans une chambre d'hôtel lors d'un voyage, pendant lequel je zappe pour être bien certain qu'il n'y a RIEN A REGARDER~ cela en général me suffit a ne pas regretter ma décision. Et a l'annonce d'une grande mini-serie , par exemple le Napoléon du même TF1, si j'essaie de m'inviter chez un ami et que ce n'est pas possible, j'apprends vite que je n'ai rien perdu ! J'ai gagne une soirée a lire.

Ce n'est pas par l'éditeur que j'ai pu voir le double DVD de Fabio Montale . Ma réaction: Allons, ca ne peut pas être mauvais, il faut regarder ! Non, ca n'est pas mauvais, c'est, et je pèse mes mots, qui n'engagent que moi, nous sommes bien d'accord : immonde, nul, déplorable, lamentable, cheap, frimeur, complaisant, putassier, minable, et... je ne trouve plus de qualificatifs et vais perdre ma crédibilité, si tant est que j'en ai encore une ! Il n'y manque pas un cliche racoleur. Tout est fait ici pour plaire au plus petit dénominateur commun chez le téléspectateur, donc le plus con d'entre eux, ce qui est, il faut en convenir, la mission d'une entreprise dont le seul objectif est de gagner le plus de fric possible. Objectif atteint d'ailleurs, la série fut un des plus gros succès d'audience~ de l'EgoutF1 cette année-la.

Bouygues, le patron, a pu laisser passer - mais c'est tres discret - l'affaire de ce scandale lie à la construction immobilière sur la Côte d'Azur, alors que Bouygues et d'autres bétonneurs viennent de réussir le magnifique exploit d'avoir fait oublier un dossier (DRAPO pour ceux qui auront tout oublie) d'entente illicite par un juge qui fut, au moins, tres négligent et a donc permis la prescription. Bouygues est assez cynique maintenant pour savoir qu'il ne risque plus rien, sur aucun plan, d'une part, encore plus cynique pour savoir que les spectateurs de TF1 ne feront pas le rapprochement, si tant est qu'ils sachent quelque chose des agissements du propriétaire de leur chaîne, ce n'est pas par le JT du faux interviewer de Castro et ancien oblige de Botton ou par Barbie qu'ils auraient appris quelque chose, on ne crache pas dans la soupe. Et compter parmi les amis proches d'un ministre, même s'il est tres petit, compte I Et quand on connait l'immunité des plus hauts personnages de l'Etat, on finit par hausser les épaules avec lassitude.

À propos, il faut lire ce que Chabrol, le génial Chabrol, a écrit sur les hommes politiques dans Libération du 3 mars 2003. Je le cite, pour ceux qui ont raté. Sur le Premier Ministre : “Ce qui m'intéresse dans un cas comme Raffarin, c'est de voir a quel point il a dépassé son niveau de compétence. On se demande quand la vérité va éclater. Finalement, je constate qu'il peut tenir quelque temps. Je lui donne un an. Ces raffarinades sont de moins en moins bonnes, c'est de plus en plus Monsieur Prudhomme. Certaines ne veulent rien dire, j'espère qu'il va y avoir un recueil ! “La pente est forte, la route est droite...”, c'est tellement con !” et plus loin “Je lui conseillerais, s'il veut vraiment raffiner dans le cote notable de province, de trousser un ou deux bonnes vite fait bien fait et éventuellement de trouver une maîtresse dans une ville voisine, a la Rochelle par exemple.“ “Je crois assez à la gueule des gens. Ça m'a rarement trompé. Jacques Crozemarie, par exemple, je ne lui ai jamais donné un rond parce que je trouvais qu'il avait une sale gueule. Les politiques sont à peu pres évidents. Quand on les voit, on voit ce qu'ils sont. Jospin le psychorigide, ca se voyait sur son visage. Pareil pour Chirac, la grande gidouille qui tourne au vent.... Sarkozy est intéressant, mais c'est comme a Michel Jobert, il lui manque 15 centimètres. Mitterrand c'etait la taille minimum, en dessous, c'est pas possible. “Dutreil (secrétaire d'Etat aux PME). Mon fils m'a signalé qu'il mettait quarante-cinq minutes pour se faire son brushing, ...” Merci Chabrol, je t'aime de dire ca et dans libé, avec le retentissement que ton talent te donne. Merci.

Chabrol a raison, il faut aller voir “La Fleur du Mal”, son dernier film, inspire par le personnage de MAM, également connu sous le nom de Michelle AlliotMarie. Je reviens à MAD et Montale. J'en parlerai quand j'aurai le DVD, sinon cette chronique va devenir celle du cinéma aussi.

Et il y a "Monsieur Alain Delon” I Ces programmes (je ne peux toujours pas appeler ca des films, je suis désolé !) lui sont “dédiés” , ou plutôt “dédiés” a une image de Monsieur Alain Delon. Je ne suis pas cruel au point de tirer sur une ambulance. Les affres de l'age touchent tout le monde, et de manière a peu pres identique.
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Pour tout arranger, il ne reste rien de l'ambiance de Marseille donnée par Izzo, la prise de vue est nulle, les effets sont mauvais, la mise en scène inexistante. Même le son est raté. Et il a fallu tout ce monde et ce fric pour un tel résultat, et j'ai passe 290 minutes à me farcir ce mauvais ragoût. Je me rassure sur ma décision de ne pas avoir la télévision I

Tant pis si je rate un bon match de rugby de temps en temps, mon père me les raconte si bien quand je n'en vois pas un avec lui, et tant pis pour le reste, je préfère un bon livre, je vais relire Izzo, pour essayer d'oublier ce que j'ai subi. Mais je ne me plains pas, j'ai choisi.

Ce choix est mon privilège. Mais existe-t-il encore un choix, pour “la ménagère de moins de cinquante ans” et sa famille, après exposition a plus une dizaine de programmes de ce niveau? La est LE problème. TF1 ne fait que son métier : faire du fric. Quand toutes les chaînes de télévision n'auront plus que cet impératif, nous n'en sommes pas loin, quand un gouvernement d'incapables et d'incultes aura vendu les dernières chaînes publiques au prive, et a moins qu'un gouvernement tres audacieux - on peut rever? - n'aura pas impose la fin de la publicité aux chaînes publiques, c'est vers l'abrutissement généralise qui caractérise aujourd'hui bon nombre d'Américains, ceux qui votent pour un cow-boy incapable, qui ne raisonnent plus que par cliches, qui consomment n'importe quoi tant par les yeux et la tête que par la bouche que nous allons.

L'obésité gagne la France, parce qu'on y bouffe de plus en plus de merdes emballées, de “snacks”, de plats preparés et souvent devant l'égout à images qu'est devenue la télévision. Le drame est que l'obésité du corps accompagne souvent celle de la tête. Et, pas plus qu'un obèse peut courir vite, un obèse du cerveau ne peut plus penser. Voilà où TF1, mais toutes les autres chaînes aussi sauf ARTE semble-t-il, nous mènent.

Les millions de téléspectateurs qui ont vu "Fabio Montale” ne liront pas Izzo, pas plus qu'un autre livre d'ailleurs parce qu'on n'a pas le temps de lire quand on regarde la tele. Ils ne lisent plus et finissent par voter comme des plantes vertes.

C'est grave, c'est tres grave, on pourrait avoir un Bush à la tête de l'Etat, ou même un Chirac, pourquoi pas un petit ancien élu local de la banlieue, ouest quand même ! Non, Chabrol doit avoir raison, il est trop petit.

UN FESTIVAL DU “MAKiNG-OF”
Pour en savoir plus sur les coulisses du cinéma, découvrir ce qui se cache derrière les images d'un film (la direction d'acteurs, les effets spéciaux, les costumes, les décors, le storyboard), il existe un outil parfait : le Making Of. Jusqu'alors connu et apprécie d'une poignée de professionnels et de cinéphiles, le Making’Of s'inscrit aujourd'hui au cœur même de la communication d'un film, aussi bien pour sa sortie en salles que pour son édition en DVD (les fameux bonus !). Son festival est le FIMO, dont la 1ere édition aura lieu du 17 au 20 juin à Toulouse.

China GirL 1987,
Cat Chaser, 1989,
de Abel Ferrara,
DVD 5 Opening
S'il faut présenter Abel Ferrara aux lecteurs de cette chronique, je range tout et vais à la pêche à la ligne I Ces deux films, anciens, sont publiés aujourd'hui en DVD par Opening, autre société dont nous suivons avec intérêt les sorties. À l’heure ou ce cinéaste est célèbre, il est bon de revoir ce qui, a juste titre, l'a rendu tel. Ne pas manquer.

7 jours ailleurs, 1968,
Coup pour coup, 1972,
Camarades, 1970
de Marin Karmitz, MK2 Vidéo
Et oui, il a commencé comme cinéaste ! Et on se demande après avoir vu ces films s'il est bon qu'il ait du arrêter de tourner. En tous les cas, la preuve que ce sont bien ces années et le VRAI esprit de Mai (1968) qui ont vaincu et animent notre pays. Bravo.

Guillaume Boisdehoux
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