Quand lordinateur remplace lagrandisseur, ou comment des élèves de 4e ont trouvé un substitut à la chambre noire. Jean-Pierre Degas |
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En 1958, Robert Franck et ses américains bouleversait les règles établies du reportage traditionnel en décalant ses sujets du cadre logique de son viseur. William Klein recadrait ses négatifs pour obtenir parfois deux photos en une alors que Bruce Davidson figeait son métro de New-York sur Dye-transfert en 1983 à Arles. Plus près de nous, voilà maintenant plus de 15 ans que J. Peter Witkin gratte la couche argentique de ses négatifs pour créer sa version de lapocalypse alors que Pierre & Gilles repeignent leurs images. La liste est longue. A chacun son oeil. Ainsi la technique a apporté sa propre valeur culturelle à la photographie. Aujourdhui le flash est à la mode, la couleur sur tous les murs et limage se croque en un clin doeil. Leffet " kleenex " de lappareil photo jetable rejaillit sur les cadrages qui saiguisent, plongent ou se resserrent et ne sont plus statiques comme au temps des bonnes vieilles Rétinettes. Pourtant, quelque que soit la forme, la "bonne" photo, celle dont tout le monde se rappelle, celle qui traverse les générations, ne prendra aucune ride. A la manière de la révolution argentique de la fin du siècle dernier, le tirage numérique va aussi bouleverser la création. Nous nen voyons encore que la partie apparente de liceberg. "Tous en piste ", est le thème dune résidence photographique sur lhistoire de tous les gamins d'une cité de la banlieue parisienne, Tremblay-en-France, qui pratiquent un sport à lécole, au stade, en colo ou en stage sportif. Quils aient 7, 9, 13 ou 16 ans, pour ces acteurs du III° millénaire, à chacun son style, son rôle, son costume, ses règles, limportant cest dêtre reconnu aux yeux des autres. Alors ils courent, ils sautent, ils lancent, ils pédalent, tapent la balle ou la raquette, pour le plaisir, le loisir, le jeu ou le rêve. En attendant leur entrée dans la cour des grands au siècle prochain, ils saffirment en solo ou en groupe dans lunivers du sport. "Tous en piste ", est un arrêt sur images au format carré, une enquête aux couleurs vives, jouée par les acteurs de la cité dans une drôle de mise en scène mi-instantanée, mi-académique. Plus quun travail dauteur, "Tous en piste " cest une année en compagnie des élèves de deux collèges de la ville pour réaliser avec eux leur inventaire photographique sportif. Tous ces jeunes photographes ont fixé sur la pellicule leurs contemporains durant lannée scolaire 1999-2000. Le thème du sport a été à nouveau retenu et le travail de la couleur a été choisi pour faire un effet miroir avec le photographe. Dans la continuité de l'année scolaire 98-99 qui avait déjà développé un parcours photographique diversifié, le photographe a souhaité reprendre dés la rentrée de septembre avec une classe de 4° spécifique (dont les élèves seront spontanément intéressés par les métiers de l'image) le thème sport & photographie déjà développé l'an passé. La nouveauté fut l'intervention du photographe, donc sa présence aux côtés des élèves toute l'année pour le suivi du projet. Les objectifs choisis en accord avec les professeurs furent de comprendre les activités physiques et sportives à partir de l'analyse des mouvements grâce à la photographie. Hiérarchisation des comportements typiques à travers les niveaux définissant les conduites motrices. Par le biais de lescalade, du volley, du gymnastique au sol et de lathlétisme, quelle sera la photo qui illustrera le mieux une action qui répond à un énoncé donné. Exemple: je lance la balle et reste en extension. Il s'agira d'utiliser ces activités physiques et sportives comme support pour la réalisation du projet photographique qui sera un album de la vie sportive de la classe durant lannée. Un effet miroir sur les élèves, acteurs et spectateurs de leur communauté. Pourquoi photographions nous, pour qui, comment ? Le reportage est il un énoncé social, la photographie de sport une enquête sociologique, lautoportrait une technique supposée reproduire trait pour trait la réalité ? Autant de choix qui seront fixé par les élèves. Les quatre sports cités ci-dessus ont été travaillés chacun sur un trimestre lui-même divisé en deux: une partie prise de vue, une partie tirage. Mais une fois les prises de vues réalisées, avec des appareils photographiques traditionnels autofocus simples pour ne pas être esclave de la technique, le laboratoire a disparu au profit de lordinateur. Les négatifs scannés, puis travaillés comme au laboratoire traditionnel sur un logiciel de traitement dimage, ont été tirés sur papier par jets dencre. Maquillages, renforcement, travail sur les couches, affaiblissement par couche, repique... Ainsi le numérique est devenu le nouveau vecteur qui a permis aux élèves de sexprimer sans avoir pour la plupart connu la chambre noire. L'approche a été simple, un peu comme un nouveau jeu vidéo que chaque élève pensait déjà maîtriser et qui a aucun moment n'a empêché quiconque de s'exprimer et de tirer sa photo. La rigueur a été de mise face à lécran. Le résultat, une double exposition, commune avec les travail du photographe, ouverte sur les jeunes sportifs de la ville. Au collège Ronsard, les élèves de la 4°C, la classe à thème (photo et gym) d Olivier Camallonga, professeur déducation physique et de David Perez, professeur de physique, a travaillé avec le photographe le lundi de 8 à 10 heures et de 15h30 à 17h30. Ils ont mis en image dans un projet global les conduites typiques du programme dEPS en choisissant le volley, lescalade, le sol et la piste. Au collège Romain - Rolland, les élèves qui fréquentent latelier de pratique artistique, dirigé par Françoise Lerai-Deruche, professeur darts plastiques, ont réalisé des images issues de projets personnels en relation avec les différents ateliers de lassociation sportive du collège. Ils ont travaillé le samedi matin de 9 à 12 heures avec le photographe. |
Jean-Pierre Degas, photographe |
mis en ligne le 20/02/2002 |