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Claire Nédellec : Comment définiriez-vous le " métier " de galeriste ? Alain Gutharc : Je ne peux parler que de ma propre expérience ; quand on parle de galeries , il faut savoir quil y en a énormément . Ce quon appelle " galeries ", ce sont aussi bien celles de lavenue Matignon, celles du boulevard St Germain, et celles qui se consacrent à lart contemporain . Entre les premières citées et les autres, cela na rien à voir . Je travaille avec de jeunes artistes, avec lart qui est en train de se faire . Dautres travaillent avec le second marché, cest à dire des artistes morts, avec des oeuvres que lon achète et que lon revend En ce qui me concerne, on peut se référer à lassociation Mode demploi qui regroupe une trentaine de galeries qui fonctionnent dans le même état desprit : présenter des uvres daujourdhui et le faire dans la continuité . Le travail de galeriste, ce nest pas une expo, cest aussi laccompagnement dans le temps : le suivi, lédition, les foires, les ventes Dans ce cas-là, on travaille avec peu dartistes - une dizaine - ; puis il y a les rencontres, les opportunités C.N : Pour affiner un peu cette introduction, la question serait peut-être, comment devient-on galeriste ? A.G : Je ne sais pas si on devient galeriste, mais si vous voulez connaître mon histoire, ou plutôt avoir quelques repères, cest, à lâge de douze ans mon regard sur les impressionnistes au Jeu de Paume et surtout à 16 ans, en 1972, la découverte, un peu par hasard, de lexpo au Grand Palais 12 ans dart contemporain en France. Cest là que je découvre Yves Klein, Jean-Pierre Raynaud, Ben, Boltanski Surtout Yves Klein, jétais fasciné par les monochromes bleus ; je me demandais pourquoi un truc tout bleu pouvait être aussi fascinant et comment, en parlant avec quelquun, je pouvais être crédible face à cet enthousiasme Cela ma donné envie de comprendre un peu plus Jai fait des études qui nont rien à voir , ou peut-être tout à voir avec cela jai un DESS de psycho-clinique et jai toujours pensé que la psychanalyse mintéressait de la même manière que lart . C.N : On peut essayer de préciser ce parallélisme ce qui vous intéressait était-ce lié à la transmission, à linterprétation dune oeuvre dart ? A.G : Pas linterprétation , plus la transmission et le fait que dans lart, il y ait cette immédiateté : être devant quelque chose avec quelquun . C.N : Mais cest un peu un leurre cette immédiateté, car il faut parfois du temps pour que luvre ou du moins limage de lobjet que lon a devant les yeux se " dépose ", il faut bien que tout cela senrobe dans du sens ? A.G : Oui, mais même cette illusion dimmédiateté, cela peut-être très bien avec quelquun ! Mais ce nest pas que cela qui justifie le travail de galeriste qui peut-être aussi pesant au quotidien puisque lart contemporain, comme tout ce qui est en train de se faire, ce nest pas facile à diffuser. Il faut une dose dinconscience -pas du courage- mais de linconscience, oui. Dans les années 80, jai fait des expositions dans des appartements prêtés ( je navais pas de lieu ), jai écrit pour les artistes, puis jai rencontré Dany Ballin qui est devenue mon associée de 1986 à 1991 . Elle est partie en 1992 à une période difficile pour le marché de lart . Jai essayé de continuer, les artistes se sont renouvelés depuis cette période. C.N : Actuellement vous représentez des artistes comme Delphine Kreuter, Bernard Quesniaux, Agnès Propeck, Bartoloméo, FX C. Comment sopèrent ces affinités ? A.G : Cest une question que lon me pose souvent . Il ny a pas une seule réponse. Cest comme dans la vie, cest la rencontre avec des gens. Toutes les manières sont bonnes, je vois beaucoup de dossiers ( jessaie davoir 2 ou 3 rendez-vous par semaine consacrés à cela ), mais ce nest pas forcément comme cela que cela se passe, cest plus entre les artistes eux-mêmes. FX C. que je présente actuellement, cest par Delphine Kreuter que je lai rencontré Cest ainsi que se forge peut-être lidentité dune galerie . Cest, je crois surtout la personnalité de lindividu qui mintéresse. Une première expo, cest un pari, moi sur lartiste et lartiste sur moi . C.N : Et le pari financier ? A.G : Cest plus quun pari !.. Il y a eu différentes époques . En ce moment cest plutôt mieux. Je suis venu ici ( NDLR 47 rue de Lappe - Paris 11éme ) en 1986 car ce nétait pas cher et il ny avait que Claire Burrus . La fin des années 80 a été euphorique et après, tout sest arrêté . Je ne sais dailleurs pas comment on " tient " dans ces cas là des petits miracles au jour le jour. Depuis un an ou deux cela va mieux parce que le contexte économique est meilleur, Peut-être aussi une reconnaissance. Heureusement que dans les années 92-95, les institutions ont pris le relais, FRAC et FNAC ( NDLR Fonds Régional dart contemporain / Fonds national dart contemporain ). C.N : Cest assez rare quun galeriste défende les institutions A.G : On ne peut pas cracher dans la soupe, cela ma aidé, laide aux premières expositions et les achats du FNAC. Le FRAC Limousin a acheté des uvres de Bartoloméo et celui dIle de France des peintures de Bernard Quesniaux, ce sont des exemples parmi d'autres... C.N : Quauriez-vous à dire sur le marché des nouvelles technologies ? A.G : Pascal Montiel par exemple est lun des artistes qui fait un travail uniquement sur écran. Jétais plutôt réticent et encore une fois cest la rencontre avec quelquun qui a déclenché mon intérêt parce qua priori les nouvelles images ne mintéressent pas. Cest limage en elle même qui mattire. Tout cela est encore balbutiant et moi aussi je balbutie. Sans doute cela va drainer un nouveau public. Il y a des rencontres possibles, cela circule, peut-être moins de ruptures dans le public C.N : Et la notion " dauteur " qui est en train de bouger, peut-être de se dissoudre ? A.G : Tout à fait Cela peut être positif, il faut apprendre à gérer cela . Dun point de vue marchand, comment travailler ? Cela a déjà commencé avec la vidéo . Moi, je vends de la vidéo au départ cétait un peu compliqué. Pour Bartoloméo, par exemple, il ne voulait pas numéroter, je le comprenais très bien : une vidéo, cest un multiple, il ny a pas besoin de la limiter mais cest invivable. Actuellement, on fait comme tout le monde : cinq exemplaires numérotés, signés dont un en Umatic ou Bétacam , sorte de master et le reste en VHS . Mais beaucoup dartistes jouent très bien sur cette notion dauteur. Ce nest pas très nouveau, Picasso et Braque signaient parfois lun pour lautre C.N : Comment se présente la FIAC pour vous cette année ? C.N : Alors rendez-vous à la FIAC
Propos recueillis à Paris le 28 septembre 2000. Prochaines expositions : |