A propos de " Hardcore " : Porno art par Gérard-Georges Lemaire 1 - LE POIDS DES MOTS Comme tout le monde le sait, sauf peut-être Jérôme Sans, le terme hardcore signifie " pornographie " en anglais ou encore " blocaille ", tel qu'il l'écrit, et " noyau " en deux mots. Or la pornographie est bel et bien au cur de l'expression littéraire, cinématographique et artistique de notre temps. Dans le monde littéraire, chaque année (pour ne parler que de la France) nous apporte son scandale à caractère pornographique : L'Inceste de Christine Angot, La Vie sexuelle de Catherine M. du bas bleu Catherine Millet et, à la rentrée dernière, Rose bonbon. En art, la surenchère est identique : c'est une course effrénée à l'image la plus frappante ou la plus sordide, Jeff Koons représentant le point de départ symbolique de cette démarche qui, tout en déplaçant la latitude et la longitude de l'exercice des arts plastiques, vise l'effet le plus saisissant et l'iconographie la plus dégradante. Tout cela étant accompagné d'un prétexte (car sans ces prétextes, les uvres ne tiennent pas debout par elles-mêmes) qui se veut dénonciateur d'une réalité sordide et nécessairement condamnable. Le laïus de Jérôme Sans est révélateur puisqu'il présente l'exposition en ces termes : " Le terme " Hardcore " s'applique à la façon dont les artistes [...] infiltrent la réalité, occupent d'une certaine manière le terrain de l'actualité et renvoient l'expression d'une vérité crue, livrée sans formatage médiatique préalable avec la virulence d'un propos verbal et visuel qui démasque et fustige les initiatives sociales et politiques démagogues. " [sic] A l'en croire, ces artistes effectueraient un travail qui serait aussi transgressif et dérangeant que ceux de Bataille, Miller, Burroughs ou Rushdie. Et on est loin des manifestations les plus corrosives de la période moderne, du réalisme de Courbet au néo-primitivisme de Cobra en passant par MM. les Dadas. Après la pornographie généralisée et paradoxalement esthétisée (C£ Baise-moi), il s'est opéré un renversement complet de la démarche des dits artistes qui visent une académie répétitive du kitsch et du post-duchampisme qui n'en finit pas de se développer par parthénogenèse. 2 - LA VACUITÉ DES IMAGES Ce " nouvel activisme " se traduit ici par une espèce de catalogue de la Redoute de l'art (comme d'ailleurs la quasi totalité des catalogue d'art dit contemporain), avec une présentation graphique entre les revues de mode sur papier glacé et les magazines à scandales. Quand on feuillette ce catalogue, on ne peut que remarquer l'insondable vacuité de cette imagerie qui s'empare de micro-détails de la réalité pour les monter en épingles pour délivrer un message labile, sinon imperceptible. L'art actuel, dans son ensemble, quand il se place dans cette optique, recherche et atteint le degré zéro de la signification. Ces " hackers " ne risquent pas de faire trembler le monde ni de briser les fondements de la société. Et cette accumulation d'images, absurdes et anecdotiques, qui aboutit à une saturation visuelle, correspond à une sorte d'auto-effacement, les artistes comme les moyens qu'ils mettent en uvre (images électroniques, photographies, montages de toutes sortes) étant interchangeables. La fin de cette pseudo-dénonciation a peut-être pour finalité de brouiller définitivement les messages que nous envoient les médias. Mais, plus grave encore, ce rétrécissement du champ artistique entraîne une annulation de toute pensée embrassant la complexité et les contradictions de l'univers dans lequel nous vivons. Un art pour ne plus penser : la littérature intarissable qui accompagne ces produits médiocres (et souvent sans objet) et le fait de ne retenir que des fragments isolés de l'histoire humaine et de ses manifestations contribuent largement à une opération d'aplanissement total de la représentation de ce que nous sommes au beau milieu de ce maelström de signes, de langages et de systèmes d'interprétation. Gérard-Georges Lemaire © visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé - |
|