Itinéraire dun été par Jean-Luc Chalumeau DE NAN GOLDIN À LA CHAPELLE SAINT-LOUIS de la Salpêtrière (« Surs, saintes et sybilles ») aux Becher au Centre Pompidou, la rentrée de cet automne aura été forte et photographique à Paris. Ne laissons pas oublier pour autant un été riche en événements de qualité : les Méditations de Joël Kermarrec à lAbbaye du Mont Saint-Michel par exemple, accompagnées par la musique de Laurent Martin (7 chemins de Joël). Il y avait bien osmose entre les créations respectives du peintre et du musicien, ainsi exprimée par ce dernier : « Dans la première salle, dite « des gros piliers », Joël Kermarrec présente linstallation appelée « LHomme » qui évoque laction du temps, les outils et les armes. En écho à ces thèmes, jai basé la musique sur un seul geste, « le souffle » et son opposition rythmique dinspiration et expiration qui se propage dans tous les motifs, du plus violent au plus paisible
». SUR LES BORDS DE LA LOIRE, en léglise Saint-Étienne de Beaugency, Gérard-Georges Lemaire et Laurence Debecque-Michel avaient invité huit artistes à travailler sur le thème du labyrinthe. Les solutions étaient extrêmement variées : depuis les labyrinthes urbains et lumineux conçus par Solange Galazzo et les méandres surgis du pinceau toujours libre et inventif de Fadia Haddad jusquaux corps féminins vus par Sophie Sainrapt comme autant dénigmes insaisissables, le visiteur avait de quoi musarder et, qui sait, se perdre. À SENS, il ne fallait pas manquer les superbes salles du XIIIe siècle du palais Synodal occupées par une rétrospective de Gérard Guyomard, ainsi présentée par la commissaire, Lydwine Saulnier-Pernuit, Conservateur en chef des Musées de Sens : « Une uvre contemporaine sans concession à des modes. Au delà de lhumour, Gérard Guyomard sait ce quil veut, où il veut, où il va, où il nous emmène. Toujours avec chaleur, enthousiasme et volupté. ». Un livre-catalogue a été publié pour loccasion aux éditions Au même titre : Gérard Guyomard, 40 ans de peinture. UNE SURPRISE ATTENDAIT LAMATEUR à Honfleur en juillet (galerie Le Divan Bleu) : des photographies signées Claude Mollard, que lon croyait grand serviteur de lÉtat, quittant de temps à autre la Cour des Comptes pour décentraliser les arts plastiques (les FRAC, cest lui) ou veiller à lintroduction des arts plastiques à lécole décidée naguère par Jack Lang et Catherine Tasca. Voici donc Claude Mollard artiste, inspiré par les « Visages de la pierre, du bois et du ciel » (cest le titre de lexposition, à laquelle participaient également Jean-Claude Osmont et Yann Figeiredo), et proposant des « origènes » qui se nichent partout, qui sont là depuis des millions dannées et qui regardent en silence le monde qui ne les voit pas. Sauf Claude Mollard qui les voit et nous les révèle avec humour et poésie (« Origène à tête de petite sorcière timide avec il noir »). APRÈS LA MANCHE, LA MEDITERRANÉE: à La Garde dans le Var, Robert Bonaccorsi présentait dans le cadre du complexe culturel Gérard Philipe une rétrospective de luvre de son ami le peintre Jean-Pierre Giacobazzi sous le titre 50 ans de peinture. Eh oui, cela fait cinquante ans que Giacobazzi peint du côté de Toulon, sans tapage et sans se montrer à Paris, quil peint fort bien, et quil ne peint pas pour ne rien dire. Jai indiqué ailleurs que dexcellents artistes ont travaillé dans la mouvance de la Figuration narrative sans que cela se sache et quil est temps de corriger de regrettables impasses parisiennes. Robert Bonaccorsi sy emploie inlassablement, notamment par ses expositions de la Villa Tamaris à La Seyne-sur-Mer où Giacobazzi a souvent montré son travail ou plus exactement, selon lheureuse formule de Bonaccorsi, son « acte de foi dans la peinture ». Un acte de foi nécessaire « comme réponse aux artefacts consuméristes de la culture médiatique ». Il y a encore une peinture militante en France, et celle de Giacobazzi apparaît comme particulièrement convaincante. Cela va finir par se savoir (un beau livre-catalogue a été édité pour loccasion chez Bleu Outre-Mers). POUR CEUX QUI SONT ALLÉS EN ITALIE CET ÉTÉ, une étape simposait à Milan pour la somptueuse rétrospective offerte à Antonio Recalcati par la Banque Valtellinese qui a consacré un vaste espace (comparable par ses dimensions à celui du Jeu de Paume à Paris) à des expositions de prestige (Andy Warhol, Anselm Kiefer etc.). Le panorama de luvre peint de Recalcati était impressionnant (il y a aussi luvre sculpté, non moins abondant, mais non présenté à Milan). On y remarquait en particulier des pièces historiques de 1959-1962 prouvant que la Figuration Narrative nest pas seulement née à Paris, mais aussi à Milan, du fait de Recalcati, artiste visionnaire dont la presse italienne a pris la mesure avec enthousiasme. Le public français a pu se faire une idée, ces temps-ci, de limportance historique de Recalcati grâce au « one man show » que lui a organisé la Galerie Lucien Schweitzer de Luxembourg lors du Salon Art Paris doctobre, au Carrousel du Louvre. PUISQUE NOUS VOICI REVENUS À PARIS, deux expositions à ne pas manquer : Michèle Tajan dune part, à la Galerie Christine Phal, dont les peintures inspirées par des photographies aériennes et des cartes semblent illustrer une phrase de Gaston Bachelard : « Nous ne sommes pas plus faits pour les tâches lilliputiennes que pour les travaux de géant. La vérité de notre connaissance du réel est toujours en dernier ressort la vérité de nos sens », et Ivan Messac à la galerie Laurent Strouk dautre part. Messac, qui nest jamais là où on lattend, présente « Clic-clac 3D », série de portraits où lartiste combine des pratiques qui relèvent à première vue de la peinture et de la sculpture. Mais cest un peu plus subtil que cela : chaque uvre se présente aussi comme un monochrome complexe. Portraits en relief réalisés à partir de photographies prises par Messac lui-même, ces uvres ramènent si lon veut aux « années narratives » du peintre tout comme elles projettent sa démarche en avant, sur des territoires encore inexplorés. Jean-Luc Chalumeau © visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé - |
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