Les artistes et les expos Lespace dun instant Malaval ou la saisie du flux par Cécile De Bary Il est difficile dappréhender lensemble de luvre de Robert Malaval, parce quelle est multiforme. Lartiste semblait refuser la répétition : il se disait régi par le principe de plaisir. A plusieurs reprises, il a marqué des ruptures, au prix parfois dune interruption totale de son activité, pendant plusieurs années. Le face à face de la première et de la dernière époque effectuée par lexposition du palais de Tokyo conduit le spectateur à mesurer la distance de lune à lautre, et à rechercher ce qui lie lAliment blanc à la Poussière détoiles : entre les deux, y eut-il une sorte de voie, lactée peut-être ? ou une fuite en avant, parce que les étapes de la carrière du peintre lauraient conduit à des impasses successives ? Il est vrai quil souhaitait relever dimmenses défis. Ainsi voulait-il aller vers un art musical, ce qui représente un idéal impossible, puisque lespace de la peinture ne peut que difficilement rejoindre la temporalité de la musique. Malaval a su saisir linstant du geste dans certaines de ses toiles, ou il fit de ce geste une performance, à Créteil. Plus tôt, il avait ritualisé cette relation sur une étendue, simposant daligner des points sur une feuille, chaque jour, une demi-heure durant. Ou encore, il a un moment renoncé à la peinture, pour se faire créateur dambiances, le son investissant lespace dun lieu. Cette recherche paradoxale trouve également forme grâce à lutopie du vortex. Si Malaval choisit ce mot science-fictionnel pour intituler des pastels, cest que ce terme désigne un tourbillon dans lécoulement dun fluide, il le dit dans un entretien en 1978. Il ajoute que le temps peut être considéré comme un fluide : le tourbillon du vortex serait le point de sortie hors de lespace et du temps. Avant la sortie, cependant, demeure lidée dun temps matérialisé, dont lécoulement prendrait consistance dans un espace. Cet imaginaire du flux semble traverser luvre de Malaval. Deux dessins d " Anne ", le premier avec Tampax, en témoignent. Dans le deuxième, derrière la pellicule ouverte de la peau, un flux de vie suit son cours, en dessous de lindividuation corporelle. Sans doute est-ce cette force expansive, ce grouillement que visait déjà lAliment blanc. Ensuite, Malaval a remis les choses à plat, grâce à la projection à distance de la peinture au pistolet, puis grâce au point qui sest élargi en tâche domestication de lespace blanc de la toile. La fraîcheur des couleurs acidulées soppose à la pourriture et au morbide. Car dans luvre, la vitalité du grouillement saltère en dégradation, ou se fige : les premières installations jaunissent alors que le milieu de lart renvoie sans cesse Malaval à ce passé. Ou cette confrontation se fait violente, comme le suggèrent les dernières toiles, où les couleurs et la lumière explosent sur fond noir. Le peintre pensait avoir effectué une sorte de psychanalyse avec lAliment blanc. Il semble ensuite encore sêtre confronté avec limaginaire quil y a matérialisé. Et lon peut saluer son courage, son refus de vivre " sur la peur ". Reste une uvre fascinante, ainsi quil le souhaitait. Qui débute par la mise en scène dun univers étrange, qui sachève par des tableaux chatoyant, poudre aux yeux dune indéniable aura : les photographies ne peuvent rendre compte de ce dernier spectacle mouvant, qui suggère le vertige dun tourbillon, trouée vers des espaces infinis. Cécile De Bary Robert Malaval / kamikaze _ Palais de Tokyo 13, avenue du Président Wilson, Paris (75016) Ouvert tous les jours de midi à minuit. Fermé le lundi. Tél : +33 1 4723 3886 et +33 1 4723 5401 www.palaisdetokyo.com info@palaisdetokyo.com © visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé - |
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