Les artistes et les expos

Galerie Norbert Pastor à Nice : au secours, l’espoir revient ! Entretien avec Norbert Pastor (extrait)
par Sophie Braganti


SB: Comment passe-t-on du lit d’auscultation du médecin au cabinet de curiosités de l’art contemporain?

NP: Pour moi le métier de galeriste n’est pas un métier. Être médecin c’était une vocation. Après la violence de la guerre d’Algérie que j’ai vue il y avait de quoi désespérer de l’être humain, ou avoir un espoir et cet espoir m’étais donné depuis gamin, car je m’intéressais à l’art, l’homme par son imaginaire pouvait recréer quelque chose. J’ai toujours été un collectionneur. Ce que je cherchais chez les peintres c’est ce qu’ils avaient à dire, cette recherche, traduire la société, poser la question d’après la mort, cette interrogation lorsque je voyais un corps animé puis tout d’un coup l’absence, l’inertie, le vide. J’ai eu envie de connaître l’être humain dans cette dimension de création artistique qui aspire à l’immortalité.

SB : Quand on regarde les artistes (Coville, Caminiti, Gainon, Gérard, Teisseire, Chevalier, Olbrecht, Lesueur, Pelassy, Mestre…) que vous montrez, on comprend que vous ne tenez pas à définir une ligne esthétique…

NP:
J’avais envie de vivre mon rêve. Je montre des artistes et des oeuvres qui ont tous quelque chose à voir avec une souffrance. Teisseire peint parfois à la seringue: en médecine il y a toujours ce qu’on appelle l’aléa thérapeutique c’està- dire que ce n’est pas une science exacte malgré la connaissance. Quand C.Teisseire utilise la toile il laisse la liberté à la peinture d’aller où elle veut, c’est l’aléa de la peinture qui impulse l’imprévu. Souvent avant de connaître l’artiste, je dois d’abord être en contact avec son oeuvre, ensuite vient le désir éventuel de rencontrer l’artiste.

SB: L’exposition Quarantaine est troublante. Pelassy, Lesueur, Mestre sont liés par le corps malmené, trompé, entre attraction et répulsion, mais aussi parce qu’ils sont rassemblés dans la galerie d’un médecin…

Le mot « quarantaine », je le prends au sens propre et figuré. C’est le milieu de la vie mais c’est aussi l’isolement de certains malades contagieux, il y a eu des maladies pandémiques, maintenant le sida, sans parler devant nous de la grippe aviaire. On peut être en quarantaine pour ses idées religieuses ou politiques. Puis il y a des gens qui se mettent en quarantaine car ils se sentent exclus d’une société. C’est un mot très inquiétant. C’est le nom donné à une photographie de N.Lesueur où le modèle a un érythème qui fait penser à une maladie contagieuse, le casque préserve, le regard est caché derrière une visière, on n’est pas en contact avec le regard. Les mondes de Bruno Pelassy et Marie-Eve Mestre vont dans ce sens aussi. Lorsque j’avais des patients qui venaient me voir, à travers le regard et l’écoute je percevais plusieurs choses, qu’ils voulaient parfois cacher. C’est pareil avec les artistes, on voit s’ils sont sincères ou pas, s’ils vendent leur âme au diable. J’aimerais encourager les jeunes artistes et les nouveaux collectionneurs qui pensent que l’art est réservé à une élite intellectuelle et financière. Nice donne l’impression que le paraître prime sur l’être. Beaucoup de collectionneurs vont à Paris car le panel d’artistes y est plus large, les galeries plus nombreuses. Puis il y a côté chic à acheter ailleurs. Maintenant Le rôle d’une galerie ici est de défendre les niçois, les nationaux et les internationaux, de faire des échanges d’expos entre les villes, c’est mon objectif.

Owen Kwon «Allégorille»:
galerie Norbert Pastor en avril et mai 04 93 80 83 52



Sophie Braganti
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