Les nus intemporels de Sophie Sainrapt Par Jean-Luc Chalumeau On aurait cru la chose impossible : au début du XXI e siècle, une artiste parfaitement informée des péripéties de la modernité sentêtant à peindre et dessiner des nus ! Les grandes figures à lencre de Chine sur papier de Sophie Sainrapt ne sont cependant en rien des actes réactionnaires, ce ne sont pas des ruminations passéistes. Ces nus témoignent plutôt dun besoin vital de dialoguer au présent avec lune des origines mythiques de lart, qui est un tableau perdu. Nul na vu depuis plus de vingt siècles lAphrodite anadyomène peinte par Apelle à la fin de sa vie. Nous savons seulement quelle fut considérée comme le comble de lart par lAntiquité et nous sentons bien quaujourdhui encore lidée de beauté (elle a la vie dure) et le corps féminin ont partie liée. Les nus de Sophie Sainrapt ne sortent pas de lécume des eaux, mais ce sont de véritables nus, non des prétextes comme la prostituée blafarde que Thomas Couture peignit en 1847 au premier plan de ses Romains de la décadence, littéralement habillée par les lourdes intentions littéraires et mythologiques du maître académique. Et ce ne sont pas davantage des échos de lOlympia de Manet qui en fut la scandaleuse antithèse : cette impassible professionnelle de lamour vénal qui nest à vrai dire pour nous un « nu » quen tant quil sefface dans la nudité de la peinture. Les nus de Sophie Sainrapt sont daujourdhui, et incarnent tout autre chose qui serait la traduction dun mouvement. Pour faire naître une oeuvre, Sainrapt a besoin dun corps essentiellement mobile dont elle entend capter lessence du rythme charnel. De là une rencontre qui na rien de fortuite avec lidée de lart telle que la formula Paul Klee dans sa Théorie de lart moderne: « Loeuvre dart naît du mouvement, elle est elle-même mouvement fixé et se perçoit dans le mouvement
» Les nus de Sophie Sainrapt apparaissent avant toute chose comme des mouvements fixés, et cest assez pour quils rejoignent mystérieusement la Vénus antique devenue mythe parce quelle nétait pas dabord un corps mais linexprimable grâce dun mouvement. (Sous le nom de Sophie de Maistre, Sophie Sainrapt est aussi responsable des expositions estivales de lOrangerie du jardin du Luxembourg à Paris. Le Sénat finance en effet en ce lieu des expositions dart contemporain gratuitement ouvertes au public. Le commissariat des deux dernières a été successivement confié par Sophie de Maistre à Alin Avila et Marie Sallantin). Jean-Luc Chalumeau © visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé - |
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