Les artistes et les expos Alice Hamon, une certaine qualité de présence par Jean-Luc Chalumeau "Le peintre construit, le photographe révèle écrit Susan Sontag, qui ajoute un peu plus loin (dans son fameux essai Sur la photographie) : « par nature, une photo ne peut jamais transcender totalement son sujet, comme le peut un tableau. » Voilà sans doute pourquoi une plasticienne comme Alice Hamon se situe à la croisée de la photographie, de la peinture et de linstallation. Ses oeuvres construisent et révèlent, comme cette très grande photographie sur toile P.V.C. (5,5 x 7 mètres) placée au centre de lexposition La ville dans lart à lOrangerie du Sénat en juin dernier. Sujet apparent : une calade marseillaise (cest le titre). Un fragment du port vu depuis la terrasse dune tour H.L.M. Mais cette terrasse, photographiée en surplomb, occupe la moitié de la surface de loeuvre, et elle a été investie par des tracés géométriques dessinés à la craie par lartiste. De telle sorte que voici transcendé le sujet apparent. On dirait quAlice Hamon a pensé aux leçons dEdward Weston, un des pionniers de la photographie, qui prophétisait lavènement dune photographie subversive en tant quelle serait entreprise de dévoilement. Il est bien vrai que le quartier populaire de Marseille choisi par Alice Hamon na rien de bien remarquable. Or elle est intervenue au coeur du paysage en tout cas au coeur de limage quelle en tire pour le débarrasser de sa banalité et lui offrir un contraste, une charge émotive, qui changent tout. Pour les photographes il ny a pas de supériorité esthétique entre leffort dembellir le monde et leffort inverse de lui arracher son masque. Cest à cette double tâche que se consacre Alice Hamon avec virtuosité, ce dont témoigne la pièce spectaculaire envoyée à lOrangerie du Sénat. Un critère commun dexcellence entre peinture et photographie, enseignait Walter Benjamin, pourrait être la présence. La présence constituait pour lui un trait caractéristique de loeuvre dart, mais il doutait quune photographie, dans la mesure où il sagissait dun objet reproduit mécaniquement, puisse avoir une présence véritable. À moins que la photographie ne soit que lune des composantes dun dispositif complexe, où le plasticien est intervenu en fonction dun projet mûrement réfléchi. Cest évidemment le cas des travaux dAlice Hamon, qui simposent précisément par leur exceptionnelle qualité de présence. Susan Sontag a raison quand elle avance que la photographie, bien quelle ne soit pas, par elle-même, une forme dart, a ce pouvoir particulier de transformer en oeuvre dart tout ce quelle prend pour sujet. On pourrait même affirmer avec elle quaujourdhui « tout art aspire à la condition de la photographie ». Ce que démontre Alice Hamon avec une efficacité exemplaire. Régine Sarallier La galerie Nicole Ferry présentera du 9 au 29 mars les peintures récentes de Régine Sarallier (57 quai des Grands Augustins, 75006 Paris). Il y a toujours un mouvement prisonnier dans limmobilité apparente des tableaux de Régine Sarallier, qui ne peut cependant se manifester que si la conscience du spectateur est en mesure de libérer le mouvement des éléments subtilement agencés qui le maintiennent en captivité. Nous qui percevons une mélodie comme une durée schématisée par le rythme, nous voici devant des oeuvres à cheval sur labstraction et la figuration au sein desquelles le temps intervient également, sans quil soit nécessaire que nous en ayons clairement conscience, mais que nous devons au moins vivre dans les méandres de limagination : celle de lartiste qui nous la communique. Une belle démonstration de peinture «pure». Erwim Trum Il est dommage que lexposition Erwim Trum, cet automne à la MJC de Nogent-sur-Marne, soit presque passée inaperçue. Né à Munich en 1928, mort en 2001 à Nîmes après avoir passé lessentiel de sa vie à Metz, cet ancien engagé à la Légion étrangère devenu journaliste au Républicain Lorrain le jour et peintre la nuit, a bâti une oeuvre originale, touffue, cultivée, où passe le souffle dune inspiration tourmentée. Trum était aussi un penseur qui sexprimait par aphorismes, et lon se demande si Cioran naurait pas fait des tableaux semblables sil avait été peintre. Jean-Luc Chalumeau © visuelimage.com - reproduction autorisée pour usage strictement privé - |
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