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[verso-hebdo]
14-11-2024
La chronique
de Gérard-Georges Lemaire
Chronique d'un bibliomane solitaire

Niki de Saint Phalle, sous la direction de Lucia Pesapane, 24 Ore Cultura/ Mudec, 208 p., 34

De tous les artistes que Pierre Restany a rassemblé dans le groupe des Nouveaux Réalistes, Nicky de Saint Phalle (1930-2002) est sans doute la moins bien connue. C'était la seule femme de ce petit cercle qui n''avaient d'affinités que par la seule volonté de ce critique qui avait une conception nouvelle de sa fonction. La banque de son père fait faillite lors du crack de 1929. Elle rejoint la famille en 1933 à Greenwich. Puis la famille s'est installée à New York. Sa vie scolaire est catastrophique. Elle a commencé à écrire de la poésie en 1944. Elle devient modèle de mode. Elle a épousé Harry Matthews, poète et musicien, en 1949. Le couple est allé vivre à Cambridge. En 1951, elle a commencé à peindre -, c'est l'année de la naissance de leur fille Laura. Un an plus tard, ils quittent les Etats-Unis, voyagent autour de la Méditerranée et décident de vivre à Paris. Elle reprend ses activités de modèle et prend des cours d'art dramatique. Elle a continué à poser comme modèle.
Elle a connu une grave dépression en 1953 et est hospitalisée à Nice. L'art a représenté pour elle une aide thérapeutique non négligeable. Elle décide alors d'abandonner le théâtre et se consacre à la peinture. Un voyage en Espagne lui permet de découvrir le parc Guëll conçu par Gaudi à Barcelone. Elle a sa première exposition personnelle à Saint Gall. Après la naissance de leur second fils, Philip, le couple est rentré à Paris. Elle y fait la connaissance de Constantin Brancusi et de Jean Tinguely. En 1957, elle voyage en Italie et y découvre Pietro Lorenzetti et Simone Martini, qui l'inspirent beaucoup. Ils s'installent à Lens-sur-Vercors. Elle découvre alors le Palais Idéal du Facteur Cheval. Elle quitte son mari en 1960 et elle décide de vivre avec Jean Tinguely. Elle expose avec les Nouveaux Réaliste à Paris en 1961. Une exposition personnelle a lieu la même année à la galerie J à Paris. Ses Tirs sont présentés aux Etats-Unis. Elle est invitée à participer à The Art of Assemblage au MoMA de New York l'année suivante.
Alexandre Iolas s'intéresse à son oeuvre et la défend. Tinguely et elle vont s'installer à Soisy-sur-Ecole en 1963. Elle a alors réalisé les sculptures-assemblages intitulées Les Mariées. Elle a commencé à faire la longue suite des Nanas, qui marque un tournant radical dans son travail. Elle collabore avec Tinguely, et cette relation a duré même après leur séparation. C'est en 1975 qu'elle a inauguré son célèbre Jardin des Tarots, qui est une sorte de parc d'attraction géant où toute sa fantaisie s'est déployée sans réserve. En 1993, elle a achevé avec Jean Tinguely La Fontaine de Stravinsky, à côté du Centre Pompidou. En 1998, elle termine le premier volume de son autobiographie, Traces.
Le catalogue permet de se faire une idée assez complète du parcours de cette femme qui a su imposer son caractère dans un univers en pleine mutation. On regrettera ne pas en savoir plus sur sa peinture (on ne voit que ses Paysages siennois de 1959) et que les Tirs sont sacrifiés sur l'autel des Nanas et autres sculptures carnavalesques de sa dernière période. En revanche, je trouve très bien d'avoir mis en avant ses Coeurs de 1964. Après quoi, nous sommes submergés par ses sculptures ludiques, qui sont sans nul doute divertissantes, mais qui ne peuvent être perçus autrement que comme des divertissements tels que ceux que l'on découvre dans son jardin italien. Bien sûr, il faut parfois flatter le goût du public, mais je crois qu'il faut le plus possible restituer la vérité d'un parcours compliqué et souvent surprenant.




Dubuffet et l'Art Brut, sous la direction de Sarah Lombardi, Anic Zanzi & Baptiste Brun, 24 Ore Cultuea / Mudec, Milan 207 p.

Le Mudec de Milan présente jusqu'au 16 février 2025 une exposition réunissant Jean Dubuffet (1901-1985) avec choix intéressant d'oeuvres réalisées par des patients des hôpitaux psychiatriques et que ce dernier s'est mis à collectionner après la dernière guerre. Depuis lors a été créée à Lausanne La Collection de l'Art Brut qui est devenu un musée d'une certaine dimension.
Jean Dubuffet est né au Havre dans une famille de négociants aisés. Il a fréquenté l'école d'art de sa ville natale et puis, quand il est parti à Paris, il s'est inscrit n temps à l'Académie Julian en 1924. Il se consacre à la peinture. Mais il doit aider son père à développer son activité vinicole. Il doit se rendre en Italie puis en Amérique latine. Puis travaille à Bercy. Cependant, il ne perd jamais de vue son attrait pour l'art. Depuis 1922, il s'est intéressé de près aux créations des fous, des enfants et des peuples primitifs. Ce sont surtout les malades mentaux qui le passionne. Il finit par abandonner le commerce du vin pour se consacrer pleinement à sa passion. Il est mobilisé en 1940. Il a sa première exposition personnelle à la galerie de René Drouin en 1946 avec une présentation du critique d'art Michel Tapié. En 1947, il fonde avec André Breton, René Drouin et Jean Paulhan la Compagnie de l'Art Brut, qui prend en considération les « artistes malgré eux ».
Le voyage qu'il a entrepris en Afrique du Nord et en particulier dans le désert n'a fait que confirmer l'orientation de son oeuvre : il s'est inspiré de tous ces artistes en dehors de la sphère de l'art. D'un côté, il constitue une collection importante de créations de ces bannis de la société culturelle, mais imagine un art qui dresse un pont avec ces derniers. On pourrait croire, entre les années 1940 et le début des années 1960, qu'il a eu la tentation de s'assimiler complètement à cette forme d'expression hors des codes de la peinture, même la plus avant-gardiste. Bien sûr, le choix des pièces retenues pour l'exposition met l'accent sur cette tendance. Le grand cycle de l'Hourloupe, commencé en 1962, qui a marqué une métamorphose profonde dans son style. Il a aussi développé le thème en volume et de grandes sculptures lui ont été commandées. Il est aussi à souligné que Dubuffet a beaucoup écrit et publié, exposant ses principes anarchistes et défendant la valeur de tous ces personnages qui étaient en marge.
Quand on voit cette sélection des produits de l'Art Brut, on ne peut s'empêcher de considérer certains de ces auteurs ont vraiment des qualités artistiques prononcées, comme Fleury-Joseph Crépin ou Adolf Wölfli, ou encore Sylvain Fusco. Les autres sont frappants par leur fantaisie et leurs divagations graphiques. Ce catalogue constitue une excellente introduction à la démarche de Jean Dubuffet et à la découverte de ces personnages curieux dont un certain nombre pourraient fort bien figurer dans une galerie à la mode tant la convergence entre des artistes confirmés se sont rapprochés de leur mode de voir les choses et de les représenter.




Tarsila do Amaral, peindre le Brésil moderne, Cecilia Braschi, « Découvertes », Gallimard / Grand Palais RMN Editions, 11, 50

Le musée du Luxembourg nous offre une exposition jusqu'au 2 février 2025 vraiment inattendue en nous faisant découvrir cette artiste brésilienne qui nous était inconnue jusqu'à présent. Tarsila do Amaral (1886-1973) a très tôt (en 1903) assigné une ambition à son activité artistique : « je veux être le peintre de mon pays ».  Cela pourrait sembler un désir démesuré. Mais, en Amérique latine, l'art académique avait pris racine, mais, en revanche, l'art moderne devait encore faire son chemin. Elle n'était pas la seule à avoir cette ambition : Màrio de Andrade dans l'art romanesque, Oswald de Andrade dans la poésie, Heitor Villa-Lobos dans la musique, ont tous eu la même aspiration. Pendant son premier voyage à Paris en 1920, elle a fréquenté l'Académie Julian. Son second voyage à Paris en 1922 est décisif : elle comprend alors qu'elle doit mieux étudier ce que font ses pairs en France.
C'est ainsi qu'elle trouve une inspiration dans les toiles de Fernand Léger, de Juan Gris, d'Albert Gleizes ou d'André Lhote. Elle a connu alors Constantin Brancusi, Jean Cocteau, Robert Delaunay. Mais cela ne l'a pas empêchée de rechercher le mythe d'un « Brésil profond ». Elle avait déjà trouvé un style qui reposait sur une simplification linéaire du sujet et sur un jeu d'anamorphose, comme dans Abaparu de 1918.Elle a traité de grands sujets de société, mais s'est aussi beaucoup représentée, cherchant dans ces autoportraits qui allaient réalisme et transformation magique dans l'esprit culturel du Brésil tel qu'elle se le représente. Son Etude de nu de 1921en est la preuve flagrante. Il y a dans sa peinture un soupçon d'art populaire et d'art naïf, qui sont intimement liés à la tradition populaire de son pays. A negra de 1923 en l'expression la plus pure. Elle a repris le même dessin pour illustrer la couverture de Feuilles de route de Blaise Cendrars. Elle aime par-dessus tout rendre son univers dans une perspective qui serait celle d'un Douanier Rousseau d'outre-Atlantique, peut-être plus sensuel et plus près des peuples qui composent cette énorme Nation. C'est à Sao Polo, sa région natale, qu'elle a développé une oeuvre qui veut rendre avec une jubilation chromatique et un dépouillement formel la culture sublimée de son pays. Cette oeuvre ludique est le produit du mouvement moderniste brésilien et l'expression du groupe des Anthropophages.




Dans ma bibliothèque, la guerre et la paix, Marc Fumaroli, préface de Pierre Laurens, « Tel », Gallimard, 540 p., 18

Marc Fumaroli (1932-2020) a été sans conteste l'un des plus grands érudits que la France ait connu depuis longtemps. Cet ouvrage a été publié la première fois en 1980. Mais, en partie à cause de la requête de son éditeur, il n'a cessé d'être augmenté. D'une édition à l'autre (la dernière en date est de 2021) Jusqu'à la fin de sa vie, il n'a cessé de le nourrir de nouvelles lectures et de nouvelles pensées. Fumaroli, ne serait que par le titre du livre, mais aussi dans sa conception même, nous fait aussitôt penser à Montaigne qui écrivait ses Essais dans la solitude rassurante de sa bibliothèque. La bibliothèque a été pour l'un comme pour l'autre une foule immense allant de l'Antiquité jusqu'au présent et qui ont fournit à l'un comme à l'autre matière à réflexion, mais aussi la possibilité de développer une pensée originale en s'appuyant sur leurs spéculations.
C'est ainsi que ces pages se sont peuplées d'un nombre impressionnant d'auteurs et de personnages historiques. Tout repose chez Fumaroli que le grand siècle n'a pas été celui de Louis XIV (dont il démontre qu'il a été un fauteur de guerre alors que son successeur, Louis XV a été tout le contraire. Il a examiné avec minutie les épisodes du long règne du Roi Soleil et ses nombreuses campagnes militaires), mais le XVIIIe siècle. Il est persuadé qu'une nouvelle idée de la littérature anglaise est née avec Edward Burke(1729-1797), auteur de Recherche philosophique su l'origine de nos idée du sublime et du beau. Burke l'a amené à songer à un de ses précurseur, Robert Burton, l'auteur de la très étonnante et très riche Anatomy of Melancholy (1621). Un écrivain en appelle un autre, et cela le conduit aussi à des confrontations osées entre John Milton et Charles de Gaulle, comme si la culture était un jeu d'échecs d'une rare complexité. Il se révèle borgésien en diable et transforme sa bibliothèque (celle qu'il porte en lui) en un labyrinthe autorisant tous les croisements possibles dans l'espace et le temps.
Au fond, ce n'est pas tant une thèse qu'il s'efforce d'imposer, mais plutôt de mettre en valeur un voyage intime dans le vaste océan de la connaissance. Chaque chapitre est un moment précis de l'histoire ou de la littérature, ou même de la peinture (par exemple, il confronte Nicolas Poussin et Jacques-Louis David). Ce sont chaque fois des intuitions ou des mises en perspective qui se sont imposées à lui et qu'il couche sur le papier. On comprend bien pourquoi il préfère Voltaire à Descartes et qu'il rejette tout ce qui pourrait être mathématique dans la pensée occidentale. Une telle entreprise ne saurait être résumée. C'est un continuum de considérations qui ne forme pas un fil logique, mais à l'inverse une succession de parenthèses qui ne sont pas hermétiques, et qui permet de passer d'un ordre de choses à un autre. De plus, il ne cesse de revenir sur des passages déjà traités et qu'il a tenu à compléter.
De grands auteurs font soudain leur apparition, comme François Rabelais entre autres, et qui laissent ensuite la place à Léon Tolstoï. Difficile de savoir comment lire ce volume copieux et si saturé de savoir. Doit-on le prendre dans le sens de sa pagination, ou, au contraire, par plongées aléatoires dans telle partie ? En fait, c'est une question insoluble : si l'on n'a pas lu les longues digressions sur le règne de Louis XIV, comment comprendre les ajouts qui surgissent bien plus loin ? En fait, il convient de faire un peu les deux. Ou alors de revenir en arrière pour retrouver la source de ses affirmations. Quoi qu'il en soit, ce livre est une merveille, une pépite dans notre aventure intellectuelle et esthétique et aussi dans notre histoire qui reste un objet de discussion.
Gérard-Georges Lemaire
14-11-2024
 

Verso n°136

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