Mona DOUF Artiste Plasticienne |
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Je partage ma vie entre les arts appliqués et la peinture. A l'institut supérieur des Arts et Métiers, j'enseigne le Design, plus exactement la méthodologie qui aide l'étudiant à accoucher une forme qui se cristallisera dans un objet. C'est une sorte de maïeutique « en design » : faire prendre conscience à l'étudiant de l'ensemble des étapes de l'acte de créer. Dans mon atelier je peins, j'ai opté pour la peinture-peinture et peinture-concept. Dans ma peinture-peinture, je joue sur le format du châssis qui me dicte l'étalement de la couleur dans sa relation ou bien sa conjugaison avec la lumière, couleur en tant que jus et en tant que pâte. Quant à ma peinture-concept, elle n'est pas d'un ordre thématique mais l'expression d'une pensée plastique en tant qu'enjeu de l'instauration d'une avant garde. Mon va et vient entre le design, la peinture-peinture et la peinture-concept, m'a donné au départ l'intuition en ce qui concerne cette installation. Elle consiste à étaler un ensemble d'étoffe, toiles de jute peintes par moi-même afin de rendre compte de l'un des aspects culturels de la Méditerranée par une pratique quotidienne: étendre le linge dans le patio de la maison. |
Que représente l'installation proposée ? Il s'agit de sacraliser un espace « humide » où la femme tunisienne s'investit quotidiennement par ses travaux domestiques. Espace féminin par excellence dans lequel la femme définit son identité en tant que être profane, telle est la raison pour laquelle j'ai voulu le rendre sacré par mon installation qui se présente comme suit: Sur des cordes j'étale mes toiles abstraites dans un espace traditionnel. Est ce que ceci pourrait être un signe de l'inscription de la femme tunisienne dans la modernité ? Une ligne tracée par terre de couleur verte-Marabout interdit au spectateur d'investir le patio et lui indique le chemin à parcourir. Cette ligne sacralise le patio. Des « Kassaâs » (récipients traditionnels ) sont mises sous les toiles . Elles recueillent les quelques gouttes colorées qui ruissellent les toiles. Ces « Kassâs » renvoient symboliquement aux différentes pratiques qu'exercent les femmes dans l'enceinte de la maison . Par ailleurs, elles expriment symboliquement le recueillement des eaux de pluie dans le « Mâjil » (puits de la maison), la même eau qui est utilisée dans la lessive traditionnelle. |
Pourquoi étaler des toiles abstraites dans un espace traditionnel ? Il s'agit d'inscrire la médina de Tunis dans l'être culturel de la Méditerranée et de montrer que cette distinction entre orient-occident est une tautologie. Je saisis cette occasion pour dire que j'adhère à cette communion entre peinture abstraite et espace traditionnelle. N'est ce pas là un dialogue de civilisation, dialogue entre orient et occident, entre le nord et le sud de la Méditerranée ? |
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