ID : 100
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : André-Pierre Arnal : entre le même et l'autre
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 07/10/2013



André-Pierre Arnal : entre le même et l'autre
par Gérard-Georges Lemaire

La seule comparaison que l’on puisse faire entre ce qu’il exécute et ce qu’a réalisé Picasso, c’est qu’un tableau n’est jamais une fin, mais un passage. C’est pour lui un continuum permanent. C’est vrai, il s’arrête à un certain point, un point indéfinissable, lorsqu’il a trouvé une solution que le séduit et qui « retombe sur ses pieds », si j’ose dire, aussi hasardeuse et risquée soit-elle. Il se souvient quel danger annonce la réussite formelle : la satisfaction de reproduire quelque chose qui est parachevé et qui a son indéniable pouvoir de séduction. C’est alors qu’il bifurque et qu’il invente une nouvelle branche à sa généalogie, qui s’improvise de jour en jour.

L’identité demeure un seuil infranchissable. L’artiste doit se reconnaître et être reconnu dans les tableaux et les dessins qu’il reconnaît comme étant sien. Il peut varier beaucoup et souvent, mener même des œuvres parallèles, comme l’avait fait Giorgio De Chirico, mais il ne peut échapper à cette nécessité impérieuse. C’est toute la difficulté de ce qu’il entreprend : être le même et être toujours cet autre qui le dépasse, le déstabilise, le contredit parfois et le place dans une situation inconfortable de perte d’équilibre. Les gestes acquis, les techniques sues sur le bout des doigts, le goût bien ancré, une manière de faire on ne peut plus personnelle, tout cela ne peut être gommé sous peine de tout remettre en question et de s’égarer. Mais il n’en reste pas moins vrai que rien ne peut rester tel qu’il a été jusque à ce moment particulier où le mouvement perd de son élan.
Je pense aux variations de Jean-Sébastien Bach : c’est une seule et même musique et pourtant c’est déjà une autre. La musique baroque (ou la danse) ont tenu énormément à cette gageure : être sans cesse semblable et dissemblable. Telle est la question - et quelle question ! Etre aspiré par une spirale et non plus suivre la mesure d’une logique sans faille. Le baroquisme, c’est l’irrégularité par excellence. Alors Arnal a un petit côté baroque. Mais avec ce besoin de réduire sans cesse plus la marge de ses manœuvres, afin de les rendre plus acrobatiques et plus ardues. En plus de toutes ces relations avec la culture passée et présente, Arnal s’est mis dans la peau d’un shaman et son petit monde a quelque chose de sauvage et de magique, qui ne transparaît qu’à partir du moment où l’on est entré dans l’intimité de son œuvre et qu’on commence à le connaître.

 

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