ID : 100
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : André-Pierre Arnal : entre le même et l'autre
Auteur(s) : par Gérard-Georges Lemaire
Date : 07/10/2013



André-Pierre Arnal : entre le même et l'autre
par Gérard-Georges Lemaire

Enfin, n’oublions pas cette notion de déchirement. Elle nous est servie comme étant légère, jubilatoire, divertissante, pourquoi pas ? Pas une once de tragédie ne sous-tend, en apparence, ce mode de se servir de ces fragments lacérés ou réduits en mille morceaux, selon l’humeur ou par un caprice de la chance. Sans être jolies à proprement parler, ce qui serait leur faire injure, ses compositions sont « belles », attrayantes et, selon les cas curieuses ou insolites. Elles ne révèlent pas une once de l’âme qui les a regardées longtemps et puis en a décidé le destin. Et malgré tout, il est rare de trouver une unité sans rupture ou sans faille dans ce travail. L’unité vient de la capacité de cet homme à rassembler des débris, des fragments, des éléments disparates, des teintes apportées par le sac et le ressac de sa pensée ou par simple association d’idée « objective ». Mais cette ouvre dont nous parlons met en scène la brisure. Elle est la représentation de la fissure de l’individu, de sa fragile et si complexe unicité qui repose sur une imperceptible fêlure qu’on ne distingue que si l’on a le courage de l’examiner avec un soin tout clinique. En sorte qu’il enferme dans chacune des pièces de ce gigantesque puzzle multicolore le secret de ce qui le déchire. Il n’en fait pas le sujet de sa recherche, mais l’instrument à la fois le plus évident et le plus dissimulé. Ces blessures du cœur, de l’esprit, du fond des entrailles, ces plaies qui n’ont rien de christique, mais qui demeure encore ouvertes, sont omniprésentes et placées de telle façon à ce qu’on n’y voit que de la vaisselle de peu de valeur brisée, plus encore, un collage, tout bien pesé -, en perpétuel renouvellement, mais perpétuellement fait de pièces cassés -, dans la pure tradition avant-gardiste qu’avait définie Louis Aragon dans son célèbre essai où il célébrait à la fois Max Ernst et René Magritte.

Je ne veux pas donner de conclusion à ces lignes qui ne sont qu’une ébauche de ce qu’André-Pierre Arnal m’inspire. Le temps dira non seulement si je n’ai pas tout à fait tort, mais sil y a un soupçon de vérité à ce que j’avance.

 

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