ID : 101
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : De la gestation au geste
Auteur(s) : par Lorenzo Vinciguerra
Date : 07/10/2013



De la gestation au geste
par Lorenzo Vinciguerra

Les œuvres plus emblématiques de cette période sont les séries qui ont pour thème le puzzle et le labyrinthe, que l’on retrouvera dans l’usage qui est fait des cartes. Le puzzle est un entier mis en pièces, qui, une fois considérées comme des unités à part entière, peuvent être recomposées. Les nouvelles configurations auxquelles elles donnent lieu conservent quelque chose de leur première forme. Elles ne laissent pas d’y renvoyer de manière détournée et plus ou moins perceptible. Le labyrinthe, lui, symbolise l’itinéraire initiatique immanent à un parcours que l’on ne connaît pas à l’avance et que l’on découvre chemin faisant. Il est la métaphore d’un sens coïncidant avec sa recherche errante. Par sa vue en surplomb, il est également le prototype de la carte, que détient celui qui est parvenu à prendre de la hauteur. La vue d’ensemble lui permet de voir ce que l’itinérant ne voyait pas, et de comprendre que le chemin le plus court n’est pas forcément le droit. Une secrète parenté lie ainsi le puzzle et le labyrinthe : le puzzle est une forme d’accès labyrinthique à ce qu’il vise, l’entier.

Toutefois, vocabulaire et syntaxe ne sont pas premiers. Le travail du peintre commence avant, en amont, là où il n’est ni question de voir ni question de lire. Il puise à un stade, une strate, où la question de la peinture n’est pas encore devenue une « histoire d’œil ». C’est plutôt l’affaire de la main, de toucher, de gestes qui visent une gestation se faisant à l’abri des regards, à même le sol, à son contact. Voici comment Arnal s’y prend. Un support plastique transparent et imperméable est posé par terre pour recevoir de la couleur liquide de manière plus ou moins aléatoire. On lui superpose un autre support (toile ou papier), qui adhère au liquide en le recouvrant. Le couplage et le collage du recto du premier au verso du second (qui peut aussi se faire par pliage de la toile sur elle-même), vient constituer une unité refermée sur elle-même. Entre le recto et le verso, à la fois imprimée et imprimante, la couleur s’étend, adhère et se cristallise, donnant vie à un jeu de taches, de formes et de rythmes souterrains, qui, pris dans le face à face entre le support et la surface, ne sont pas visibles. Pourtant, c’est bien ici, à l’endroit de son revers, que secrètement la peinture se fait. Pour ainsi dire en aveugle.

 

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