Conversations avec André-Pierre Arnal
par Michaël Glück
1.
Je vois sur la table de travail aussi bien des pinceaux, des outils pour la peinture que des stylos et crayons; cela dit quelque chose de ton rapport à la peinture, à l'écriture et songeant qu'en de nombreuses langues un seul et même mot dit souvent peindre et écrire, j'ai envie de te demander : comment es-tu peintre ?
Bon, tu poses toutes les questions en même temps... Dès l'instant où un outil permet d'inscrire un trait, une tache, un continent de couleur, on est dans l'écriture qui est portée par une pensée. Le code de l'écriture étant plus stricte, plus rude que celui de la peinture, il y a un écart évident entre les deux, mais cela part pour moi, notamment dans les formats du papier, de la similitude avec la feuille où l'on écrit, ou la feuille du livre; d'où la marge qui se trouve toujours dans mes oeuvres sur papier.
Est-ce que les marges peuvent être comme un commentaire du silence ?
Oui, l'environ du silence par rapport à la parole, à la prise de parole, à la déglutition du langage dans un corps dans une gorge, au bout d'un bras pour le peintre, mais comme le disait Matisse : Le peintre est l'homme à la langue coupée c'est à dire ce qu'il dit se trouve, se retrouve dans la peinture et c'est à l'autre, à celui qui regarde à déchiffrer, à apporter sa propre culture, sa propre maîtrise du langage, dans la lecture de ce qu'il lit, qu'il interprète, dans ce qu'il peut voir qui peut le séduire, qui peut l'émouvoir.
Dans ce que tu as apporté aujourd'hui, je découvre quelque chose que je ne connaissais pas dans ton travail. Un monochrome... ce bleu ce papier bleu, la couleur bleu...
C'est de la peinture sortie du pot, posée sur un plastique sur lequel un autre plastique vient et là, les deux côtés sont un peu différents, vient se souder et ça sèche, c'est assez long, ça été froissé au préalable pour donner ces veines, ces marbrures, ce que la matière à l'état pur, à l'état brut peut donner lorsqu'on la voit ensuite dans son statut stabilisé et définitif.
Tu dis veines, tu dis marbrures et en même temps tout à l'heure tu disais reliefs et il y aurait la possibilité de poser sur cette feuille une autre feuille de papier et de faire comme un frottis, comme une sorte de relevé d'écritures possibles à partir de ta peinture.
Voilà, ce que je fais quelques fois, des frottages je pars sur des reliefs de pierre qui est assez dure et qui reçoit le papier et ensuite je passe un graphite qui lui fait ressortir comme certains papiers qui ont été pliés et sur lesquels je passe un pastel et qui révèle, ça tient aussi de la photographie, c'est révéler dans une image nouvelle qui sert soit de base soit de fond à une peinture nouvelle.
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