ID : 103
N°Verso : 69
L'artiste du mois : André-Pierre Arnal
Titre : Conversations avec André-Pierre Arnal
Auteur(s) : par Michaël Glück
Date : 07/10/2013



Conversations avec André-Pierre Arnal
par Michaël Glück

2.

Tu parlais de peinture, des commencements de la peinture, tu disais : un trait, une tache, un continent de couleurs. Souvent, devant certaines de tes oeuvres je me dis que tu fais une cartographie de la couleur, qu'il y a là, devant les yeux quelque chose comme une peinture en archipel, un éclatement des îles.

C'est comme les pleins et les déliés ou les graffitis ou les nuages. Dans notre rapport à l'univers matériel il se passe plein de choses quant aux dimensions de l'objet que l'on voit, que l'on sélectionne par le regard, que l'on regarde plus attentivement. La phrase de Deligny qui dit : Le moindre geste peut faire signe...

... lea lignes d'erre...

voilà c'est important parce qu'il faut accommoder notre regard à notre pensée, à des univers très différents. Le monde, le cosmos, le monde que l'on vit est d'une complexité et d'une richesse infinies et c'est le rôle peut-être des poètes et des écrivains et des artistes d'arriver à saisir la rareté, la beauté qui nous aident à mieux vivre dans cet univers. C'est le rôle, je pense, du peintre d'être dans une matière qu'il maîtrise peut-être plus qu'un autre et qui l'amène à se ressentir vivant, son corps au milieu de cet univers qu'il retranscrit dans ses oeuvres.

Tu utilises assez souvent ce verbe : retranscrire, tu dis de la peinture qu'elle retranscrit une pensée mais retranscrit-elle ou produit-elle une pensée? Est-ce que dans le geste de peindre, comme dans celui d'écrire, il n'y a pas là quelque chose qui met en oeuvre la pensée plutôt qu'une simple transcription, une traduction ?

Je pense qu'il y a les deux... Il y a les émotions, les sensations, les sentiments, en fait tout un réseau de choses qui sont vibrantes et encore informes, qui deviennent qui prennent forme par la technique... L'art n'est que technique, tous les arts ne sont que des techniques et c'est dans cette technique-là que l'autre, celui qui regarde, celui qui entend, celui qui lit va retrouver ses propres émotions qui vont le nourrir.

Quand tu parles de technique, c'est un peu comme le fabriquer, le poïèn, c'est un faire d'abord, mais ce faire produit de la pensée, il n'est pas simplement transcription de la pensée.

Bertold Brecht dit : Le chaos du monde, voilà le sujet de l'art. Je trouve cela merveilleux, parce que effectivement ce n'est pas un chaos misérable ou négatif, mais l'univers, le monde, est un chaos multiple et très riche...

un chaosmos...

et l'artiste doit choisir là-dedans de quoi nourrir à la fois ce qu'il est lui même et celui qui va être le récepteur de l'oeuvre...

 

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