Conversations avec André-Pierre Arnal
par Michaël Glück
6.
Tu parles souvent du mouvement de l'impulsion, et en même temps on sent bien qu'il y a en deçà et après coup il y a une profonde réflexion sur la place de l'art.
Je dis ceci : L'art : au moyen de techniques appropriées rendre visibles et sensibles des émotions nées du message graphique et pictural.
C'est un mouvement réflexif, la pensée naît en même temps que le faire...
En même temps oui, tout à fait...
Dans le même temps ; le théoricien est inséparable du praticien.
Voilà, parce qu'on ne peut pas dissocier ou scalper le créateur en être sensible, en théoricien et en technicien donc tout ça est mélangé au moment de l'acte et il y a une profusion d'énergie qui est en oeuvre. Et qui échappe au créateur aussi, c'est ça qui est assez exceptionnel, c'est que la création échappe au créateur parce qu'il est entièrement dans sa création, il ne peut pas tout contrôler par son cerveau... il fonce, il se jette à l'eau, il se jette à la couleur, il se jette au geste, il se jette à sa propre respiration. Il produit quelque chose qu'on ne peut plus modifier donc. Il est évident que dans l'oeuvre d'un artiste il y a des choses bonnes, des choses moins bonnes, qui ne tiennent pas la route, pourquoi, c'est mystérieux aussi, c'est fait souvent avec la même intensité, la même énergie...
Tu jettes ou tu recycles...
Je ne jette jamais, je garde. Et puis comme disait Karskaïa dans une interview : je découvre des oeuvres 15 ans après et je me dis, oh, mais c'est pas si mal. Il y a des choses qu'on a cru rater à un moment donné et qui en fait étaient prémonitoire de choses qu'on fera plus tard. C'est ce qui est fantastique de retrouver un ferment qui avait été laissé de côté.
C'est ce qui m'avait frappé dans la double exposition des galeries du Marais, qui montrait des oeuvres sur papier depuis...
depuis 1964...
et je découvrais des choses très anciennes que je croyais vraiment contemporaines de tes dernières productions. Des fois, dans ce que l'on pourrait appeler le lâcher prise dans le geste artistique, quelque chose se dépose dont on comprend la portée des années après...
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