Les supports d'André, les surfaces de Pierre et les peintures d'Arnal
par Marie-Domitille Porcheron
« Le mystère [écrit-il] est donc ce passage à l’acte de prise de contact avec la matière. Ce passage n’est ni réfléchi ni maîtrisé. Il est contingent et peut durer toute la vie.
Qu’il fripe, frotte, trempe, teinte, arrache, colle et décolle, plie, applique, froisse, ligature, déchire, griffe, peigne, caresse, soulève, enlève, ajoute, reprend, repasse, rabote et lime, le peintre, d’une œuvre se sert, réfléchit, pense pour engendrer la suivante qui elle, également sert… On s’attachera à cerner les cohérences depuis les premiers papiers de 1961. De même qu’on s’étonne et se réjouit de décliner tant de riches mots sur des opérations après tout matérielles qui fondent l’acte de peindre et la peinture. Ces mots, qui sont la constatation d’un regard sur la peinture d’André-Pierre Arnal, offrent au philosophe de l’art qu’est Gilbert Lascault et à tant d’autres un vocabulaire aisé[6] : un mot simple décrit l’opération picturale sans appauvrir son extrême complexité.>
J’évoquais la cohérence de l’œuvre : Les monotypes des années 1964-65 ; Les Pliages de 1969 à 1975 qui trouvèrent leur apothéose en ces 500 Opera ; 500 morceaux de trente sur trente centimètres qu’il teinta, encolla et plia de manière toujours différente et qui, jetés à terre sculptaient une « peinture en morceaux »[7], et clôturaient les pliages dans leur acception liée à
Insisterais-je pour finir sur les développements plus spectaculaires de cet art- le rideau d’avant-scène pour le Théâtre d’O de Montpellier (2004) ou les vitraux de la Chapelle de Saint-Raphaël (conçus en 2006, réalisés par les ateliers Duchemin à Paris en 2007, ils sont installés depuis 2008) - qui continuent d’affirmer la cohérence entre support, surface et matière explorés tour à tour dans toutes leurs incidences et leurs accidents ? Dirais-je aussi l’élégance, la souplesse, la sûreté et parfois la violence guidée des gestes de l’artiste qui, de l’espace, invite à en jauger et imaginer les poétiques colorées ?
[5] André-Pierre Arnal, Dans le vif du sujet, 11/1/89, archives personnelles.
[6] Gilbert Lascault, « l’Odyssée des couleurs. Travaux sur papier d’André-Pierre Arnal » dans André-Pierre Arnal. 50 ans de papier fait surface, Galerie Convergences/Galerie Intuiti, 2013, p. 6-18.
[7] Ils sont aujourd’hui conservés au Centre national d’art et de culture- Georges Pompidou à Paris : André-Pierre Arnal (1939 - ) Opéra, 1975, toile collée, dimensions variables, 500 petits volumes de toile teintée, pliée et collée, disposés en vrac ou alignés au sol, don de l'artiste, 1998, n° d'inv. AM 1998-142
précédent 1 2 3 4