ID : 108
N°Verso : 71
L'artiste du mois : Christian Renonciat
Titre : Christian Renonciat, au fil du bois
Auteur(s) : par Jean-Luc Chalumeau
Date : 11/12/2013



Christian Renonciat expose jusqu’au 19 janvier 2014 au Centre d’art contemporain de la Matmut à Saint-Pierre-de-Varengeville.

Christian Renonciat, au fil du bois
par Jean-Luc Chalumeau

Christian Renonciat a élu ces dernières années quatre motifs principaux, dans lesquels son travail « se loge le mieux », ( de préférence à cinq ou six périodes chronologiques), bien que le sujet ait peu d’importance pour lui : le panneau de carton, la feuille de papier, la bâche en plastique et la couverture de laine. Il y a donc, du seul fait de son choix initial, un projet, une pensée qui préside au faire et le précède. D’où une question : cette pensée de l’œuvre « à faire » est-elle équivalente à la pensée de l’œuvre faite ? Ce projet, si ténu soit-il, doit tenir une promesse, il ordonne la réalisation d’une idée qui n’est rien d’autre que l’œuvre attendant d’être réalisée. Il y a bien pour Renonciat un en-soi de l’œuvre, un être qu’il s’est donné pour mission de promouvoir. Notons qu’il s’y emploie avec d’autant plus d’ardeur qu’il y a là pour lui une source de plaisir. Un plaisir de la caresse du morceau de bois élu qu’il ne faut pas confondre avec le désir en tant qu’il est projection temporelle. Renonciat, selon son expression légèrement teintée d’humour, « fait la planche », il flotte mentalement dans un temps qui ne s’écoule plus. Le voici à la disposition de son œuvre : ce n’est pas lui qui la veut, c’est bien elle qui se veut en lui. Il avait bien un projet, mais ce n’était finalement que le vouloir de l’œuvre en lui.

Ainsi, dans le cas exemplaire de Christian Renonciat, nous constatons que ce qui presse l’artiste, c’est son propre génie : un besoin de donner consistance à un univers qui lui est propre. Ce qui le fait avancer lorsqu’il est au travail, ce peut être le sentiment que « ce n’est pas encore ça », mais comprenons bien que ce « ça », il ne le connaît pas. Il ne le découvrira que lorsque l’œuvre, enfin achevée, le tiendra quitte. Entre-temps, il aura beaucoup cherché, éprouvant dans son labeur le plaisir spécifique évoqué tout à l’heure : « Peut-être notre tâche d’artiste est-elle aujourd’hui dans cette quête quasi archéologique des traces d’humanité en nous, quête non pas scientifique (quadrillage de l’espace pour redoubler la graduation du temps) mais poétique, peut-être, flâneuse et rêveuse, pour retrouver la chair, le plaisir, le rire. C’est un fil d’Ariane qu’il faut suivre... »

L’artiste n’est artiste qu’en suivant son fil d’Ariane. Il ne pense pas l’idée de l’œuvre, il pense sur ce qu’il fait à mesure qu’il le fait. C’est toujours à du perçu qu’il a affaire, et l’en-soi de l’œuvre n’est accessible pour lui qu’en s’identifiant avec ce perçu. Il ne connaît finalement ce qu’il a voulu, dans sa quête « archéologique », que lorsque, après l’avoir fait, il le perçoit comme achevé, lorsqu’il rejoint enfin la condition de spectateur, pour son plus grand plaisir.

 

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